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Les carnets web de l'écrivain Stanley Péan

Souvenances

La fameuse pose d'Albert Camus

Passé à midi pile le cap des soixante-dix feuillets de texte continu; à vrai dire, si je compte toutes les scènes ébauchées et les fragments de dialogue divers, je suis encore plus avancé dans ce roman qui, ma foi, prend résolument forme. Qui plus est, il me plaît encore et l’intrigue m’enthousiame toujours autant. C’est bon signe, quand on sait que le disque dur de mon ordinateur renferme son lot d’avorton qui resteront sans doute inachevés. Du coup, je réalise que je n’ai guère écrit sur ce blogue depuis quelques jours, rien depuis le début de la nouvelle année, en fait. Que dire de cette semaine, prodigue en beaux moments souvent trop arrosés? Mardi, c’était notre traditionnelle bamboula de fin d’année, qui se tenait cette fois au Café Sarajevo. Le nombre d’invités à cette fiesta n’ayant cessé de s’accroître au fil des ans, nous avons opté cette fois pour le sympathique établissement d’Osman et Lili, sur Saint-Laurent, plutôt que pour le domicile de l’un ou l’autre des organisateurs (l’amiral Rozankovic, André Lemelin ou moi). Ouvert juste pour nous, l’endroit baignait dans une atmosphère chaleureuse et la soixantaine de convives semble avoir apprécié les mets créoles que j’avais cuisinés pour eux (il a failli en manquer car si certains se sont servis deux fois, d’autres n’ont pas pu goûter à tout). Et puis, on a paru aussi apprécié la musique de l’amiral et de ses compères et invités: outre le tigre lui-même au clavier, il y avait là le groovemeister Mark Haynes à la basse, Nick Boulay à la trompette et au bugle, de même qu’une pléiade de chanteuses nommément mon adorée Christiane Raby (toujours un bonheur de la revoir et de l’entendre à pareil moment de l’année), Lili, Nancy Carroll, Rachel Sirois et les délicieuses Aurélia O’Leary et Rebecca. (Diantre, je me suis même permis de chanter deux standards et de pousser quelques notes au cornet. C’était le prix à payer pour les convives: l’obligation de m’écouter!) De l’avis général, une réussite sur toute la ligne, que mon foie ne m’a cependant pas encore pardonnée.

Après une brève escale à Québec auprès des kids, je suis revenu à Montréal vendredi pour animer ma dernière émission de jazz en remplacement d’André Vigeant — celle du jour de l’An était en différé. Depuis, j’ai passé la journée d’hier à écrire, suis allé réentendre en compagnie de Lemelin la charmante Aurélia qui présentait ses chansons au Dièse Onze hier soir. On en a viré toute une, encore, qui m’a évidemment rappeler une cuite d’adolescence prise à pareille date ou presque; le 4 janvier 1982, au club disco Le Pic de la rue Saint-Dominique à Jonquière, Pierre Tremblay et moi fêtions en grande l’anniversaire de notre pote Louis Gravel. La soirée avait été si généreusement arrosée que j’en avais oublié mon couvre-feu d’une heure du matin. Pas mon père, apparemment, qui avait fait irruption vers les deux heures quinze dans l’escalier menant au vestiaire, alors que mes compères et moi récupérions nos effets personnels. Bonjour l’humiliation. Outre le fait d’être privé de droit de sortie pour quelques semaines, le récit de la venue de Mèt Mo au Pic ferait vite le tour de la polyvalente où j’étudiais et où il enseignait. Bof, au moins, nous n’avions pas eu à marcher par le froid sibérien qu’il faisait cette nuit-là, mon père avait reconduit mes deux compères à la porte de leur domicile respectif.

Incidemment, le 4 janvier marque aussi l’anniversaire du décès de l’un de mes écrivains fétiche, celui qui le premier m’a donné le goût de ce métier, fait entendre l’appel de cette vocation. Aujourd’hui, Albert Camus est mort dans un bête accident routier. Ou était-ce il y a un demi-siècle? A 13h55 le 4 janvier 1960, la voiture du directeur de La Pléïade, Michel Gallimard, s’est écrasée contre un arbre à Villeblevin dans l’Yonne avec à son bord, M. Gallimard et, assis à sa droite, l’auteur de L’Étranger et de La Chute, Prix Nobel de littérature en 1957. Camus a été tué sur le coup. Il avait 46 ans. À l’intérieur de l’automobile accidentée, on avait retrouvé le manuscrit inachevé d’un récit autobiographique, Le Premier Homme (que nous n’aurons la chance de lire que dans les années 90) et le billet pour ce train qu’il avait renoncé à prendre, préférant voyager avec son ami Gallimard. Quelle poisse!

J’ai lu tout Camus au fil de mon adolescence et des premières années de ma vie adulte, et certains titres plus d’une fois. Je connais de grands bouts de certaines de ces oeuvres par coeur. Il y a quelques années, mon amie Marilyne m’a offert un microsillon de quelques uns de ses textes, lus par Maria Casarès, Alain Cuny, Serge Reggianni et lui-même, un disque auquel je reviens périodiquement. En tournée dans le Limousin à l’automne 1995, Louis Hamelin et moi nous étions amusés à poser pour la postérité aux côtés d’une photo-silhouette grandeur nature de ce charmant séducteur aux allures d’Humphey Bogart. Comme de raison, je ne retrouve plus cette photo du triumvirat Hamelin-Camus-Péan, quel dommage! Je n’ai hélas pas connu l’homme personnellement, il va sans dire. Je porte néanmoins toujours le deuil de cet écrivain exemplaire, qui est resté pour moi une sorte de phare au milieu des ténèbres ambiantes de l’époque.

Camus recevant le Nobel

January 4th, 2009
Catégorie: Commentaires, Lectures, Réflexions Catégorie: Aucune

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