stanleypean.com


Les carnets web de l'écrivain Stanley Péan

Smooth sailing, smooth sailing…

DSCF7149

Dernière journée avant le retour au Québec. Philou Premier a horreur que je la désigne ainsi même si, de son propre aveu, une part de lui s’ennuie de sa mère et de sa sœur. (Tiens donc…!) J’avais sciemment réservé le meilleur pour la fin : la fameuse croisière à bord de l’un des bateaux mouches de la firme Wendella Boats, qui propose un voyage dans l’Histoire architecturale de la ville par le biais de l’observation des œuvres de ses illustres visionnaires que Mies van der Rohe, Bertrand Goldberg, ainsi que Skidmore, Owings et Merrill, pour ne nommer que ceux-ci.

Levés plus tôt, mon fils et moi devons tout de même nous taper l’attente de l’autobus en face de l’hôtel. Qu’à cela ne tienne! Nous voici en moins d’une demi-heure à Forest Park, juste à temps pour le départ du train pour le centre-ville. Depuis une couple de jours, maintenant qu’il connaît le paysage banlieusard par cœur, Phil plonge systématiquement dans les pages du premier tome des aventures d’Harry Potter durant le trajet.

Débarqués à Washington, à la fois un repère et une tradition, nous marchons selon l’habitude que nous avons prise vers Michigan Avenue, avec l’intention de pousser notre exploration du Park District un peu plus au sud, vers l’incontournable Buckingham Fountain. En chemin, une première escale dans une succursale de Walgreens, la chaîne centenaire de pharmacies américaines, pour y acheter de quoi boire. Le cellulaire collé à la joue, un Black paumé ne prend même pas la peine d’interrompre sa conversation téléphonique pour acquiescer à la caissière qui lui signale qu’il n’a pas assez d’argent pour sa cannette de thé glacé. J’avance à ce parfait inconnu la monnaie qui lui manque, sans espérer le moindre mot de remerciement qui comme de raison ne vient pas. Ni la caissière, ni Phil ni moi ne nous en étonnons d’ailleurs : le type est ailleurs, probablement sous l’effet de stupéfiants…

Avec Mini-moi, nous faisons une seconde escale au Wrigley Square, pour y écouter le big band d’étudiants qui joue quatre heures tous les matinées en semaine, tout près du péristyle d’inspiration gréco-romaine : dans un arrangement qui évoque à mes oreilles la bande-son de la vieille télésérie Batman de mon enfance (« pas tant, » aux dires de mon fils), je reconnais « Getting Sentimental Over You » et ne peux réprimer un sourire triste-bleu. Une troisième escale suit, au Jay Priztker Pavillion, où le Grant Park Symphony Orchestra répète pour le concert classique du vendredi soir – au grand amusement de Phil qui se met à parodier les gestes frénétiques du maestro. Et puis nous traversons le Lurie Garden en direction de la Buckingham Fountain.

Le lac Michigan est tout près et sa brise bienvenue. Inaugurée en août 1927, la fontaine au style rococo dresse sa majesté inspirée de Versailles près de l’intersection de Colombus Drive et de Congress Parkway, là où débute la célébrissime Route 66 qui traverse le pays jusqu’à Los Angeles. Philippe, à qui j’avais parlé de la splendeur du monument, n’est pas déçu et photographie sous divers angles les hippocampes stylisés du bassin inférieur et le jet principal qui s’élève à une quarantaine de mètres. Je voudrais bien faire de même, mais mon appareil me donne du fil à retordre et je garde les doigts croisés depuis le Millenium Park dans l’espoir qu’il ne s’agisse que d’un problème de piles.

Nous rebroussons chemin sur Michigan Avenue, contournons le théâtre d’un accident de la route que nous souhaitons sans victime et optons de grignoter une pointe de pizza dans un café italien avant de poursuivre vers le quai d’embarquement pour la croisière. Phil a très hâte et à la fois un peu peur de rater le départ, mais je le rassure : il nous reste amplement de temps de traverser le pont Du Sable pour acheter nos billets et attraper le départ de 13h30. Du coup, nous nous octroyons trois nouvelles escales : dans une autre succursale de Walgreens pour acheter des piles pour ma caméra, chez Comics (encore!) pour acheter une bédé des X-Men et enfin chez Peet’s Coffee le temps d’un Brownie et d’un thé vert glacé.

Une fois dissipée la confusion sur le quai d’embarquement, nous montons à bord du bateau au pied de la tour Trump. Après le mot de bienvenue du capitaine, notre guide prend le micro et entreprend de nous raconter Chicago, depuis sa fondation par l’« Haïtien » Jean Baptiste Point du Sable jusqu’à nos jours, mais d’un point de vue essentiellement architectural. Je traduis simultanément ses propos pour Philippe, du mieux que je peux pour Philippe, qui me dit en comprendre pas mal que je l’imagine. Je lui ai confié la caméra et l’encourage à prendre ses propres photos de ces bâtiments et gratte-ciel dont l’érection ponctue l’Histoire de la ville de vents. Plusieurs anecdotes nous font rigoler, comme celle sur la dépollution des eaux de la rivière Chicago. Pour ce faire, nous raconte le guide, la Municipalité avait choisi d’inverser artificiellement le courant du cours d’eau du Lac Michigan vers le sud, envoyant l’eau souillée par les industries vers Saint-Louis. « Mais inutile de plaindre les habitants de Saint-Louis, qui se sont bien vengés depuis, » d’ajouter notre guide. « Ils embouteillent depuis des années cette eau souillée et nous la revendent sous le nom de Budweiser. »

Notre suit la rivière, s’aventure dans ses embranchements du nord (jusqu’à Goose Island) et du sud, avant de revenir vers le Lac Michigan dans les environs du Navy Pier. Ici s’achève la croisière.

« C’est déjà fini? » de s’étonner Mini-moi.

« Ça fait soixante-quinze minutes bien comptées, Phil. »

Mon fils est assurément ravi, au point de m’autoriser un petit détour sur East Hubbard Street, vers Andy’s, le jazz club dont j’ai gardé quelques souvenirs aussi cocasses qu’impérissables. En plein après-midi, la boîte est évidemment fermée, mais je tenais à y jeter un coup d’œil. Nous remontons vers Grant pour y attraper le bus 65 vers le métro.

« La croisière était plus impressionnante que le zoo, » d’opiner Philippe, néanmoins désireux de rentrer à l’hôtel.

C’est ce que je voulais entendre, tout compte fait.

August 7th, 2015
Catégorie: Événements, Nouvelles, Réflexions Catégorie: Aucune

≡ Soumettez votre commentaire