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Les carnets web de l'écrivain Stanley Péan

Répondre par la bouche de leurs crayons

Ce qui devait arriver arrive: les négociations ont bel et bien échoué entre Quebecor et les journalistes syndiqués du Journal de Montréal. Avec pour résultat que, comme à Québec en 2007, la partie patronale a décrété le lock-out de ses employés. Dans sa mise au point aux lecteurs publiée samedi, l’éditrice du quotidien Lyne Robitaille expliquait que la décision était inévitable, d’autant que des rumeurs persistantes d’un vote de grève circulaient. En ce sens, faut-il voir ce lock-out comme une frappe préventive? Mais l’heure n’est sans doute pas à l’humour pour les quelques 253 artisans du journal plongé dans un conflit que l’on anticipe aussi pénible et long que celui qui opposa les collègues du Journal de Québec à leurs patrons. Au coeur de l’affrontement: la volonté de la direction de revoir certaines des dispositions de la convention collective accordées dans les années 1970, comme les semaines de vacances payées à temps et demi ou la semaine de travail de trente heures.

Rencontré l’an dernier au colloque Médias et démocratie: informé est-il encore d’intérêt public? tenu à Québec l’année dernière, Alain Girard, premier secrétaire du Syndicat national des journalistes (France), me confiait qu’il serait absolument inimaginable qu’un grand groupe de presse français puisse ainsi imposer un pareil lock-out sans une intervention musclée de l’Élysée. Cette conception de la responsabilité gouvernementale à l’égard du droit au public à une information de qualité s’applique-t-elle vraiment encore dans la France de Sakozy? En tout cas, elle semble ne pas avoir cours au Québec où l’Empire peut recourir deux fois en deux ans, et en toute impunité, à la bonne vieille méthode du lock-out.

Selon La Presse canadienne, la partie patronale a mentionné que le quotidien sera publié en dépit du conflit. Au contraire de leurs confrères et consoeurs du Journal de Québec, les employés en lock-out n’ont pas l’intention pour le moment de produire leur propre quotidien mais ont annoncé la mise en ligne d’un site Internet qu’on prendra l’habitude de consulter, par solidarité. Ils l’ont baptisé Rue Frontenac, en référence à la rue où se situent les bureaux de la rédaction et en souvenir du gouverneur de la Nouvelle-France qui avait prévenu l’émissaire britannique venu exiger la reddition de la ville de Québec qu’il lui répondrait par la bouche de ses canons.

Reste à voir quelles savoureuses contorsions idéologiques le folliculaire de service, ce carriériste thuriféraire de ses patrons, Richard Martineau (qui aime bien s’ériger en franc-tireur et valeureux défenseur du «vrai» journalisme!) inventera cet hiver pour justifier ses positions difficilement défendables…

January 25th, 2009
Catégorie: Commentaires, Nouvelles, Réflexions Catégorie: Aucune

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