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Les carnets web de l'écrivain Stanley Péan

Paranoïa 101

À la pharmacie voisine du Largo hier après-midi, j’avais acheté un DVD en solde(Derailed, un thriller soi-disant hitchcockien avec Clive Owen, Jennifer Aniston et Vincent Cassel dans un rôle aussi antipathique que celui qu’il tenait dans Le Pacte des loups), avec l’idée de le visionner dans l’autobus vers Montréal. Dans ce film de Mikael Håfström (qui?), l’escapade adultère de deux banlieusards par ailleurs mariés qui se sont connus par hasard dans un train est abruptement interrompue par l’irruption d’un truand qui assomme l’homme et viole sauvagement la femme, puis entreprend d’extorquer toutes ses économies au mari volage. Trop crevé par mon week-end, je me suis endormi au bout d’une demi-heure à peine et ne l’ai donc terminé qu’à l’instant, après avoir peaufiné mes derniers textes. Au déjeuner ce matin, j’en parlais avec Anthony, je lui confiais ma crainte de voir venir un coup de théâtre vieux comme le monde… qui est effectivement survenu, comme de raison. Quelle déception, tout de même!

Le plus étrange, c’est qu’il s’agit du même coup de théâtre ou à peu près que je n’avais pas vraiment anticipé dans Deceived (un autre thriller d’inspiration hitchcockienne avec Ewan McGregor et Hugh Jackman), vu au cinéma il y a quelques semaines en compagnie de l’angélique Angélique. Enrôlé malgré lui dans un club privé dont les membres ne se voient que pour des escapades sexuelles anonymes et sans lendemain, un fiscaliste un peu coincé tombe éperdument amoureux d’une des membres du club… qui lui est violemment enlevée dans sa chambre d’hôtel par un inquiétant personnage qui manifestement le manipule dans un but très précis depuis le soir de leur rencontre.

Décidément, soit je commence à avoir vu et lu trop d’intrigues du genre, soit je suis devenu exactement le type de spectateur/lecteur que décrivait Jorge Luis Borges dans sa brillante conférence sur Edgar Allan Poe et le genre policier. Aux dires du vieil aveugle de Buenos Aires, en écrivant ces quelques nouvelles considérées comme les pierres angulaires de la littérature policière («Le double assassinat dans la rue Morgue», «Le mystère de Marie Roget», «La lettre volée», etc.), Poe aurait non seulement inauguré un nouveau genre littéraire mais aurait inventé du même coup un nouveau type de lecteur: le lecteur de roman policier. Un lecteur méfiant, toujours à l’affut d’indices, cherchant compulsivement à débusquer les attrapes imaginées par l’auteur pour le confondre; un lecteur complètement paranoïaque qui en vient à douter même des affirmations du narrateur.

Hmm, je me demande si c’est ce type de paranoïa qui fait imaginer à certains lecteurs, par exemple, que la narratrice des Enfants du sabbat d’Anne Hébert hallucine les événements qu’elle relate…

May 26th, 2008
Catégorie: Commentaires, Lectures, Réflexions Catégorie: Aucune

Un commentaire à propos de “Paranoïa 101”

  1. Isamar a écrit:

    Ciao Mister Pean.
    J’écoute l’album d’Herbie Hancock intitulé Joni Letters, en particulier les morceaux chantés, et surtout – l’étau se resserre – River. Et donc, je pense à toi, bien amicalement ; je consulte ton blog régulièrement et j’en apprends sur un pan de francophonie dont on n’entend guère parler par ici, en Belgique… Par ailleurs, rares sont les blogs qui ne consistent pas seulement à ausculter le nombril de leur initiateur, alors bravo : tu aides à découvrir autrui, aussi. Je t’embrasse, et te dis à bientôt.
    Isa

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