stanleypean.com


Les carnets web de l'écrivain Stanley Péan

Pâques et les saints martyrs

Mgr Marc Ouellet, archévêque de Québec et primat du Canada

Petites Pâques tranquilles; ç’a été d’abord l’occasion de passer du temps avec les kids, leur mère et leur grand-mère maternelle. J’ai préparé des crêpes : farcies aux deux poissons (mayi mayi et saumon) pour les adultes, aux fruits et au fromage pour Laura et Philippe. Et puis, après que tout ce beau monde soit allé chez la mère de Patsy pour une chasse aux œufs de Pâques dissimulés un peu partout dans le bungalow par Coco Lapin lui-même, selon Philippe, nous nous sommes retrouvés chez ma sœur pour la suite des célébrations pascales. Blanquette de Limoux aidant, Lady I, ma sœur Marie-José et sa fille Junia, mes frères Steve et Reynald étaient toutes et tous d’humeur pétillante et, si ce n’avait été des petites crises de mon fils, la fin d’après-midi aurait été parfaite. Heureusement, de retour, le énième visionnement de Spiderman 3 (un de ses films fétiche) a su lui redonner son sourire, tandis que je cuisinais les magrets de canards pour le souper.

Mais les Pâques ne sont pas que l’occasion de tromper les exigences de la vie professionnelle auprès des êtres chers. Pour quelqu’un comme monseigneur Marc Ouellet, c’était une nouvelle occasion de proférer des âneries comme celles que j’ai entendues à la radio en taxi avant d’arriver à la gare pour prendre l’autobus qui me ramène à Montréal, à savoir que l’Église catholique serait présentement persécutée, parce qu’elle «dit la vérité telle que reçue par Dieu». D’après le Journal de Québec qui traînait sur ma table au casse-croûte, le primat du Canada et archevêque du Québec, qui ne manque vraisemblablement jamais une chance de se couvrir de ridicule, aurait expliqué hier que «L’Église témoigne du Ressuscité, qui est en même temps le Crucifié. Jésus s’est engagé, il a dit la vérité telle qu’il la recevait de son Père. Il a dit: Je suis la vérité. Personne dans l’histoire n’a osé dire cela. On l’a condamné et il a été crucifié pour cela. Aujourd’hui, quand quelqu’un ose dire certaines vérités, il subit à peu près le même sort. Ce n’est pas étonnant, ça continue.» Bonjour les syllogismes! Plus loin en cours d’entrevue, le monseigneur renchérissait en décriant le manque de culture des plus jeunes générations au Québec, leur ignorance de tout le patrimoine légué par le catholicisme à la société moderne.

Quel culot, tout de même! Ce type et ses sbires (à commencer par l’ineffable monseigneur Turcotte, archevêque de Montréal) ont manifestement un don (divin?) pour l’énonciation de discours creux qui témoignent moins des supposés enseignements de Jésus-Christ que de leur propre propension au culte du martyre. Personnellement, je trouve indécent que le représentant d’une institution qui a donné sa bénédiction tacite ou manifeste à l’Inquisition, au massacre des nations amérindiennes, au pillage des richesses aurifères d’Amérique, à la saignée et au partage de l’Afrique par les nations chrétiennes d’Europe, à la traite négrière, à l’esclavage, à l’entreprise génocidaire nazie, à la maltraitance des orphelins de Duplessis et à combien d’autres atrocités «pas trop catholiques» (pour user d’une locution populaire), se permette l’usage du terme persécution quand qu’il ne veut dénoncer en fait que la perte de l’hégémonie de son institution dans la cité contemporaine. À moins que je ne m’abuse, Jésus ne prêchait-il pas l’humilité?

Qui plus est, son pathétique plaidoyer n’a même pas le mérite de l’originalité, puisqu’il reprend grosso modo pour le Québec le tableau qu’esquissait pour la France René Rémond dans Le Catholicisme en accusation (Desclée de Brouwer, 2000), en prétendant l’Église hexagonale victime d’un conformisme dans «le persiflage, le sarcasme et la dérision». Dans un cas comme dans l’autre, ces messieurs nous présentent le déclin de l’Église et de la foi catholiques comme un symptôme du déclin de la civilisation, comme si la seconde était impensable sans les premières. Pourtant, au contraire de ce qu’avance l’archevêque du Québec (duquel on attendrait le recours à une réelle perspective historique), le catholicisme N’EST PAS à la source de tout «l’art, l’architecture, tout ce qui existe comme monuments» (sic). Que le monseigneur drapé dans sa chasuble d’ethnocentrisme ose en plus affirmer que nous devons la démocratie à son institution rétrograde et phallocrate (qui encore aujourd’hui pratique la ségrégation sexuelle au sein de ses propres ordres!) relève du burlesque, ni plus ni moins.

Si ça continue, je finirai par croire que la fumée d’encens a des vertus psychotropes plus puissantes que la marijuana! Persécutée, l’Église catholique? On se demande bien en quoi et pourquoi? Négligée, cette seule religion pratiquée en notre société laïque dont les fêtes sont systématiquement soulignées par des congés fériés, dont le symbole est affiché dans l’enceinte de notre vie démocratique? Persiflés, ces curés pédophiles auxquels on octroie plutôt des bourses d’études en droit canonique en guise de punition pour leurs crimes? Raillés, ces archevêques qui excommunient la mère et les médecins d’une Brésilienne de neuf ans qui a subi un avortement après avoir été violée par son beau-père? Martyrisés, ces papes qui continuent de proscrire l’usage du préservatif aux fidèles d’Afrique, continent où le sida continue de faire des ravages? Allons donc. En quoi et pourquoi? Elle me semble bien loin, l’époque où l’on envoyait des chrétiens affronter des lions de l’arène; de toute évidence, leur église a bien prospéré depuis, grâce notamment à la sueur, au sang et à l’or des innocents!

J’ai à l’esprit trois idées, pour conclure. La première, guère inédite, c’est qu’une religion organisée n’est au fond rien d’autre qu’une secte qui a réussi, en s’assurant du soutien de gouvernements et de forces armées. La deuxième, empruntée à Pierre Desproges, c’est que «si on ne devait parler que de ce qu’on avait vu, les curés parleraient-ils de Dieu?» Et la troisième me vient d’une chanson de Jacques Brel : «si j’étais Dieu en les voyant prier, je crois que je perdrais la foi.»

April 13th, 2009
Catégorie: Commentaires, Lectures, Réflexions Catégorie: Aucune

≡ Soumettez votre commentaire