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D’Haïti, vue comme l’antichambre de l’enfer

Hier après-midi, la sympathique Catherine Duranleau, professeure de français langue seconde au Collège Vanier, a attiré mon attention sur la lettre ouverte qu’elle signait dans Le Devoir de mardi, en réaction aux propos à la fois regrettables et irritants (mais tellement usuels) tenus par René-Homier Roy et certains membres de l’équipe de C’est bien meilleur le matin vendredi dernier au sujet des voyageurs «abandonnés» en Haïti par Air Transat. En dépit de la candeur qui teinte certains passages, son texte sincère et cinglant vaut assurément le détour:

UNE OCCASION RÂTÉE DE PROMOUVOIR HAÏTI
Catherine Duranleau
Le Devoir, 30 août 2011

Vendredi matin, le 26 août, j’allume de très bon matin la radio à la Première Chaîne de Radio-Canada. On y fait la revue de presse qui s’attarde à un événement fâcheux! En Haïti, 120 personnes voyageant avec Air Transat n’ont pu s’inscrire à leur vol et n’ont donc pu rentrer à Montréal au moment prévu. Elles sont restées bloquées à l’aéroport de Port-au-Prince en regardant, impuissantes, leur avion décoller.

Commencent alors, de la part des animateurs, une série de commentaires, empreints d’émotion et d’empathie pour ces pauvres gens, obligés de rester à Port-au-Prince, misère! «Il faut le faire, ça hein!, s’indigne René Homier-Roy. On s’entend pour dire que ce n’est pas une prolongation de vacances dans ces cas-là!,» ajoute-t-il. Quand on nous fait ça à Paris, ça peut toujours aller, ajoute-t-on, citant une passagère restée bloquée. Il y avait des gens qui travaillaient le lendemain, poursuivent-ils. […]

Il n’y a pas à dire, il est vraiment révolu, le temps où l’on qualifiait Haïti de «perle des Antilles». En un sens, je comprends et partage l’indignation de Catherine; avec son lot de problèmes et de déveines, mon île natale n’a certes pas besoin qu’on noircisse systématiquement le trait dès qu’on l’évoque. Et s’il est vrai que des précautions s’imposent quand on y séjourne en raison de la misère ambiante et de la criminalité qui en découle, la patrie de Jacques Stephen Alexis n’est tout de même pas l’antichambre de l’enfer.

À ce sujet, j’aimerais à mon tour rappeler la lettre ouverte adressée l’hiver dernier aux journalistes radio-canadiens par le poète Anthony Phelps (qui a lui-même longtemps travaillé à la salle de nouvelles de la société d’État), que j’avais d’ailleurs mise en ligne sur ce blogue.

LE PAYS LE PLUS PAUVRE DU MONDE
Anthony Phelps
Montréal, le 17 février 2011

À mes ex-consœurs et confrères de Radio-Canada,
Également à ces jeunes journalistes de la salle des nouvelles TV et Radio,

Depuis un peu plus d’une année, je me sens agressé par ceux et celles qui furent des confrères, des consœurs, à Radio-Canada, également par des nouveaux venus, qui, dans leurs nombreuses interventions sur Haïti, ne ratent pas l’occasion de le qualifier de « pays le plus pauvre du monde. »

Bien sûr, il s’agit d’une réalité dont je ne saurais contester la véracité. MAIS, dites-moi, pourquoi telle insistance? Pourquoi, chaque fois nous lancer cette phrase au visage? Haïti, le pays le plus pauvre du monde. […]

September 2nd, 2011
Catégorie: Commentaires, Lectures, Réflexions Catégorie: Aucune

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