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Les carnets web de l'écrivain Stanley Péan

Ô le beau soir de mai…

Mme Marie-Andrée Beaudet, M. Michel Dallaire, respectivement vice-présidente et président de la Fondation Émile-Nelligan

Madame Monique Deland, messieurs Benoit Jutras et Jean-Simon DesRochers, membres du jury du Prix Émile-Nelligan

Très estimés finalistes au Prix Émile-Nelligan

Mesdames et messieurs amis des lettres et de la poésie,

 

Au nom du conseil d’administration de Bibliothèque et Archives nationales du Québec, bienvenue à la Grande Bibliothèque. Bienvenue chez vous.

Ô le beau soir de mai, dirai-je pour paraphraser Nelligan, poète essentiel à l’âme tourmentée et au destin tragique, âme et destin abusivement donnés comme emblématiques de tous les poètes.

Ô le beau soir de mai, un soir idéal pour se parler des vraies affaires.

C’est dans l’air du temps, l’air de notre temps, après tout.

Celles et ceux qui ont fait du détournement du sens et de l’essence une véritable vocation, les vendeurs du Temple pour qui les mots n’ont pour fonction que l’anesthésie des masses pourtant en affamées de vérité, ces gens-là, dévoreurs de l’espoir, assassins du rêve, peu importe la bannière sous laquelle ils plastronnent, ont la prétention de nous parler des vraies affaires, étant entendu que ces vraies affaires excluent la culture et la langue, les arts et les lettres, la littérature et tout ce qui confère à un peuple son identité et son âme.

Mais tout de même…

Ô le beau soir de mai, un de ces soirs printaniers qui depuis trente-cinq ans nous donnent une occasion de célébrer la parole de nos jeunes poètes d’aujourd’hui, dans le respect de l’incontournable figure de Nelligan qui n’avait pas choisi d’être ce martyr de la poésie québécoise, mais dont la triste trajectoire nous rappelle hélas que de tout temps les apôtres de ces supposées vraies affaires ont voulu museler les poètes ou, pire, noyer leur parole dans le brouhaha du discours marchand.

Ils sont nombreuses et nombreux, les apôtres des vraies affaires, qui hocheront de la tête en faisant mine d’applaudir nos poètes tout en rêvant de faire taire leurs voix qui troublent le consensus abrutissant. Peu importe leur nombre, peu importe leur habileté stratégique, nous refuserons l’outrecuidance avec laquelle ils tenteront de faire passer leurs vraies affaires pour des affaires vraies.

Ô le beau soir de mai… J’insiste parce qu’il y a tout de même matière à se réjouir. Tout n’est pas que ténèbres et désespoir. Car nous avons la poésie, porteuse de lumière et de lucidité. Et depuis trois décennies et demie, la Fondation Émile-Nelligan contribue à maintenir ce flambeau avec ce prix décerné à une voix émergente de la poésie d’ici. En effet, il y a trente-cinq ans cette année que le regretté Gilles Corbeil, neveu du poète, s’entendait avec Bibliothèque nationale afin de développer un partenariat avec la Fondation Émile-Nelligan pour la remise de cette récompense.

Je crois sincèrement que cette collaboration durable entre la Fondation et notre institution, qui se dressent comme des remparts contre l’amnésie collective et la méconnaissance de notre culture, mérite d’être soulignée.

On m’avait demandé de vous souhaiter au nom du conseil d’administration de BAnQ la bienvenue en ces lieux, qui nous appartiennent collectivement, à moins qu’une autre lubie de privatisation s’empare de l’État.

Je préfère vous dire merci à vous tous et toutes poètes d’aujourd’hui qui, comme celles et ceux qui vous ont précédés, offrez à tous vos chants, vos vers, vos images, vos mots comme autant de lueurs dans cette nuit qui se voudrait irrévocable.

Merci de donner voix à ces affaires vraies qui nous confèrent ce supplément d’âme qui nous rend distincts.

Merci pour tous ces beaux soirs de mai.

Et félicitations aux finalistes de cette année.