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Les carnets web de l'écrivain Stanley Péan

En hommage à Raymond Plante [1947-2006]

Les mots nous manquent invariablement en face de la mort, même à nous qui avons la prétention de gagner notre pain à les manier.

J’ai connu Raymond Plante avant de le connaître. C’est-à-dire qu’avant de rencontrer l’homme, j’avais été exposé à l’œuvre, en premier lieu ses textes pour la télévision. À cette époque, je n’avais pas encore l’âge de rêver d’une carrière d’écrivain qu’il avait déjà écrit pour Pop-Citrouille et Du tac au tac. Je n’avais pas non plus idée que j’emprunterais un jour une trajectoire à la fois parallèle et convergente à la sienne, une trajectoire qui traverse le carrefour de l’écriture médiatique, de la littérature populaire et de l’enseignement…

J’ai ensuite connu Raymond Plante comme écrivain de livres destinés à la jeunesse, alors que je n’avais moi-même plus l’âge de fréquenter ces livres que tant d’esprits chagrins se plaisent à considérer comme étrangers à la Littérature avec un grand L. Laissons les parler. Pour ma part, la lecture des aventures du dernier des raisins ou de Marilou Polaire m’a permis de vérifier qu’un auteur de livres pour les jeunes n’était pas forcément un tâcheron sans le moindre projet esthétique, sans la moindre préoccupation autre que pécuniaire. Pilier de ce secteur de la production littéraire d’ici, Raymond a contribué à donner au genre ses lettres de noblesse chez nous, bien avant l’émergence des Harry Potter.

Ce n’est donc qu’en troisième lieu que j’ai connu Raymond Plante, le romancier pour adultes qui nous a donné La débarque, Un singe m’a parlé de toi, Projections privées, Le Nomade et tant d’autres, dont mon préféré : Novembre la nuit. Le hasard veut qu’il s’agisse d’un roman sur la mort, qui frappe à l’improviste et sans pitié ; une mort avec laquelle une héroïne tente de pactiser via des lettres. Mais le hasard n’existe pas, c’est connu.

Et en même temps que je découvrais l’écrivain de métier talentueux, à la plume aussi généreuse qu’efficace, j’ai eu le plaisir de côtoyer l’homme dans des Salons du livre et autres manifestations littéraires. Et quoique nous n’ayons jamais été des amis intimes à proprement parler, nous nous sommes fréquentés en personne ou par l’intermédiaire de nos livres avec une grande sympathie et un grand respect réciproque, comme en témoigne l’empressement que nous avons eu à participer à des projets collectifs initiés par l’un ou par l’autre : cet album souvenir sur la télévision pour lequel il avait sollicité ma participation, par exemple ; ou la revue Alibis, à laquelle j’ai convaincu Raymond de participer à plusieurs reprises.

Les hommes meurent et personne ne les remplace. Il en va de même des écrivains, certes. Mais les hommes de valeur laissent au moins des souvenirs impérissables à ceux qui les ont aimés. Et les écrivains de valeur, comme Raymond Plante, laissent à la postérité une œuvre à laquelle les générations futures pourront toujours revenir. Je ne suis pas croyant, alors c’est la seule conviction, la seule consolation que j’aie à offrir ou à espérer en face de la mort. À la famille immédiate de Raymond Plante, à ses proches et amis, je voudrais dire ici publiquement mes plus sincères condoléances.