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Les carnets web de l'écrivain Stanley Péan

Des échos d’Haïti

La lecture des journaux ce matin me révèle deux visages de la réalité haïtienne, réalité complexe s’il en est, qui l’un et l’autre font écho à la discussion sur la lutte des classes en Haïti que j’ai eue hier soir avec un chauffeur de taxi haïtiano-québécois qui s’étonnait de ce que je sache lui répondre en créole.

D’abord, même si je doute que ce compte-rendu de L’aménagement linguistique en Haïti: enjeux, défis et propositions (Université d’État d’Haïti / CIDIHCA, 2011) paru dans Le Nouvelliste d’hier mette un terme à le débat entre les linguistes Robert Berrouët-Oriol (co-directeur de l’ouvrage collectif et poète) et Yves Déjean, l’article signé Wigueny Sainterveut a le mérite d’analyser posément ce collectif pour ce qu’il est et de dégager ce en quoi il pourrait être utile aux décideurs politiques pour l’élaboration d’une véritable politique d’enseignement des langues là-bas.

VERS UN AMÉNAGEMENT LINGUISTIQUE EN HAÏTI
Wigueny Sainterveut
Le Nouvelliste, 30 août 2011

Haïti: Dans ce fameux ouvrage intitulé «L’aménagement linguistique en Haïti: enjeux, défis et propositions», écrit par un groupe de spécialistes en linguistique, la question de la coexistence des deux langues officielles du pays est posée dans une rigueur scientifique innovante. Les auteurs identifient des problèmes majeurs liés à la problématique du bilinguisme, les analysent en profondeur et proposent des pistes consensuelles de solutions à ce phénomène. []

Évidemment, la problématique du bilinguisme pourrait sembler triviale en comparaison des autres problèmes qui continuent d’affliger mon île natale, dix-sept mois après le séisme de janvier 2010, et dont témoigne la chronique d’Agnès Gruda dans La Presse de ce matin.

LE SEXE POUR SURVIVRE
Agnès Gruda
La Presse, 31 août 2011

Il y a Mona, qui a dû accoucher par terre, dans une tente, sans l’ombre d’une aide médicale. Il y a aussi Anita, qui n’a pas assez d’argent pour payer un taxi jusqu’à l’hôpital. Et cette autre femme qui a été refoulée par une maternité, faute d’argent pour payer sa césarienne. Et puis, il y a Valmie, qui résume en trois phrases d’une cruelle lucidité le sort de trop nombreuses femmes haïtiennes, 17 mois après le tremblement de terre qui a dévasté leur pays. «Les filles qui n’ont pas de parents tombent facilement enceintes. Elles n’ont pas de ressources et elles doivent avoir des relations avec des hommes pour survivre. Les condoms, ça se trouve, mais les hommes ne veulent pas s’en servir.» []

Ce serait certes faire une lecture bien superficielle de ces deux articles, que d’opposer candidement la problématique intellectuelle de l’enseignement des langues à la tragédie, cruelle et trop diablement humaine, de ces jeunes femmes contraintes par la nécessité de survivre à une forme de prostitution. Car enfin il s’agit là  de deux épiphénomènes de cette même sempiternelle crise qui semble refuser toute résolution: l’apparente impossibilité de voir émerger en Haïti une gouvernance digne du nom, un État capable de prendre les décisions qui s’imposent pour le bien commun, plutôt que pour la même caste de grands mangeurs locaux ou étrangers que l’on sait. «Comment voulez-vous gouverner un pays où il existe plus de 300 sortes de fromage?» se serait un jour exclamé Charles De Gaulle, en s’arrachant les cheveux, excédé par la situation politique en France. Encore heureux pour l’actuel président haïtien, dont je n’attends personnellement pas grand chose, que son crâne soit déjà dégarni.

Mehr Licht! Mehr Licht! comme disait l’autre…

August 31st, 2011
Catégorie: Commentaires, Lectures, Réflexions Catégorie: Aucune

Un commentaire à propos de “Des échos d’Haïti”

  1. Stanley Péan a écrit:

    En guise de post-scriptum, cet article de Randall C. Archibold dans le New York Times d’hier :

    AS REFUGEES FROM HAITI LINGER, DOMINICANS’ GOOD WILL FADES
    Randall C. Archibold
    The New York Times, August 30th 2011

    They have been blamed for spreading cholera, taking jobs and driving up crime, and now, with memories of the earthquake and the bonhomie it generated rapidly fading, this country is taking action: it is deporting Haitian refugees, turning them away from the border and generally making their lives difficult. […]

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