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Les carnets web de l'écrivain Stanley Péan

Jour 6bis: Dans les rues de la ville assiégée

Coutances, Basse Normandie, environ 10 000 habitants. À ce qu’on m’a dit, chaque année à pareille date, la population double carrément, augmentée par la présence des résidents des communautés voisinent qui s’invitent au festival Jazz sous les pommiers. La ville est alors carrément envahie par les notes bleues qui submergent les rues tout autour de la capitale. On a connu moins agréable, comme invasion.

Après l’honorable «battle» livrée dans la bonne humeur et la convivialité par la «strike team» québécoise hélas battue par les quatre mousquetaires français, je suis allé au concert d’Hermeto Pascoal, ce multi-instrumentiste brésilien que je n’avais pas revu et réentendu live depuis New York en 1997. C’est au hasard de nos pérégrinations dans la Big Apple, au lendemain d’une lecture/conférence à trois voix présentée par le poète Patrick Sylvain, la romancière Edwidge Danticat et moi-même au Musée d’art africain, que Patrick et moi étions tombés par pur hasard sur cette prestation en plein air de Pascoal avec en première partie le trio de choc Medeski, Martin & Wood.

Sur la scène de la salle Marcel Hélie, le vieux sorcier aux instruments improbables me semble toujours aussi impressionnant et sa musique, amalgame de traditions brésiliennes, de jazz et de funk n’a rien perdu de son pouvoir d’envoûtement.

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C’est au Cositel où nous logions, un peu en retrait du site, que les adversaires de la «battle» étaient conviés à se retrouver autour d’une table et du repas marqué au sceau de la fraternité et de l’humour. Michel Donato, Thomas de Pourquery et moi échangeons de blagues sur les musiciens, évoquons le merveilleux Jean Dujardin dans les films d’O.S.S. 117. Québécois et Français s’amusent, tandis que j’essaie de ne pas trop penser à l’orage qui gronde au pays de Jean Charest

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De retour à la salle Marcel Hélie, je me laisse hypnotiser par la musique du trompettiste Ibrahim Maalouf, découverte relativement récente, dont je n’aurais manqué la prestation pour rien au monde. Comment décrire cet univers, où le jazz, les musiques arabes, hispanisante ou balkaniques et même le rock le plus débridé se donnent la main. Outre la lancinante «Will Soon Be A Woman» (née au lendemain d’une tournée avec Vincent Delerm, nous confie le neveu de l’écrivain Amin Maalouf), je suis particulièrement émue par «Beyrouth», dont la genèse est en soi fascinante. C’est en déambulant dans les rues de sa ville natale en écoutant Led Zeppelin dans son walkman, à l’occasion d’un retour à son pays d’origine qu’il n’avait guère connu, que le virtuose de la trompette à quatre pistons a d’abord eu l’idée de ce thème pétri de mélancolie et de fureur.

Dans un édito rédigé cette semaine pour le prochain numéro du Libraire, je me demandais ce que pourront concocteront les écrivaines et les écrivains du Québec en écho au tumulte collectif que nous traversons. Je rêve maintenant de la musique que pourrait inspirer à un compositeur sensible aux turbulences sociales la crise envenimée sciemment par le gouvernement Charest.

May 18th, 2012
Catégorie: Commentaires, Événements, Réflexions Catégorie: Aucune

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