stanleypean.com


Les carnets web de l'écrivain Stanley Péan

Un matin pluvieux, quelques larmes de plus…

Aussi absurde que cela puisse paraître, ce n’est que ce matin que j’ai pu enfin joindre mon oncle Dieter Hermann au téléphone, après près de deux semaines à tenter de le joindre avec un mauvais numéro refilé via courriel par ma cousine Joëlle (conséquence d’une malencontreuse faute de frappe). Ça m’a fait tout de même un peu de bien d’entendre sa voix d’un naturel un peu étouffée et son délicieux accent allemand. À ma grande surprise, j’ai su qu’il avait suivi mes pérégrinations européennes et les réflexions qu’elles m’inspiraient sur ce blogue, revivant de son côté les moments partagés avec feue Michelle et lui que j’ai évoqués ici avec l’émotion que vous savez. On a parlé de ces moments-là, justement; on a parlé de leurs amis à Michelle et lui qui sont un peu les miens, les Marie-Coco, Kreideweiss et consorts qui l’entouraient à l’église l’autre samedi, lors de la sobre cérémonie en hommage à la défunte. On a parlé de ce «vieux livre», Zombi Blues, qui m’avait ramené de l’autre côté de l’Atlantique pour la première fois depuis trois ans, de tous ces rendez-vous manqués (au téléphone ou autre) qui n’ont rien de tragique au fond.

Et on a parlé de la mort et de la morte, qui nous lèguent en héritage tous ces souvenirs dont Dieter s’attend à ce que je fasse un jour un livre.

Il y a vingt ans déjà, mon oncle moqueur plaisantait souvent sur cet éventuel bouquin dont il imaginait le titre: Cas de zombification dans la Sarre.

Il y a vingt ans déjà, je l’ai déjà écrit, sa femme et lui m’avaient offert mon premier séjour en Europe, pour lequel je n’ai cessé de les remercier depuis. Un été de découvertes, de voyagements ponctués d’escales dans la maison à Klarenthal passée au son de tous ces albums qui s’entassaient dans leur discothèque éclectique à souhait, abondamment garnie: du jazz de tous les styles, de toutes les époques, de la musique classique, de la musique de danse haïtienne, du zouk, des musiques africaines, du rock germanique et bien sûr de la chanson française, encore de la chanson française: Barbara, Brel, Brassens, Dassin, Ferrat, Aubret, Gainsbourg, Greco, Reggiani (que j’ai osé chanter un jour, douze ans après, accompagné du trio de Philippe Noireault, à l’occasion d’une édition spéciale du Cabaret des refrains de Monique Giroux consacrée au Festival international de littérature et hélas jamais diffusée pour cause de lock-out radio-canadien)… Sans oublier Ferré, le bon vieux Léo, grand maître de la mélancolie devant l’Éternel que j’aurais la chance de voir, une fois, juste une, en compagnie de Marie-Jo, l’automne suivant mon premier été européen, sur les planches du Grand Théâtre de Québec. Ferré que je n’avais pas autant écouté depuis quelques temps et auquel je suis revenu systématiquement ces jours derniers.

Et comment, qu’on couche toujours avec nos morts, mon vieux Léo…! Et comment!

Après avoir raccroché avec Dieter, j’ai rappelé ma mère endeuillée à Québec, qui a évoqué ses conversations téléphoniques régulières avec sa soeur allemande et puis résumé cette petite tragédie si commune qu’on appelle le deuil en une formule lapidaire: «Désormais, il n’y a plus de Michelle, c’est tout.»

June 1st, 2010
Catégorie: Commentaires, Réflexions Catégorie: Aucune

≡ Soumettez votre commentaire