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Les carnets web de l'écrivain Stanley Péan

Mon brave visage

C’est à Paul McCartney que j’emprunte ce titre. Venise (bloggueuse sur le site Le Passe Mot) se disait intriguée par mon allusion à une conversation à bâtons rompus avec un monsieur rencontré par hasard à Trois-Rivières samedi. Essentiellement, le brin de jasette portait sur le fardeau pour un écrivain, un intellectuel d’avoir un visage connu, d’être une personnalité publique et de devoir «tolérer» (c’est lui qui parle) que de parfaits étrangers vous accostent pour échanger des poignées de mains et des banalités avec des gens qui la plupart du temps n’ont jamais lu une ligne de ce que vous avez écrit. Quand j’ai dit au type que d’abord je ne me considérais pas si célèbre et que je n’étais pas abordé par des inconnus si souvent que ça, il m’a accusé de faire preuve de fausse modestie. Soit. Quand j’ai ajouté que je ne détestais pas mon statut de personnalité publique, que je l’assumais, que tant que les gens étaient polis, je trouvais ça sympathique et que j’avais tout de même fait le choix d’oeuvrer sous le feu des projecteurs (au contraire d’un Réjean Ducharme, par exemple), il a conclu que j’étais en somme une sorte de paon (c’est moi qui résume ainsi sa pensée), et s’est étonné d’une telle vanité chez un intellectuel que lui personnellement lit et respecte.

Suis-je devenu au fil des ans une sorte de paon, narcissique au max, uniquement préoccupé par son propre rayonnement médiatique, un BHL en puissance? Un ami écrivain avec lequel je suis brouillé depuis des années, Nando Michaud, semble le croire, lui qui dans le liminaire d’un de ses romans oppose ma figure à celle de Ducharme justement et me décrit comme «un type qui a élevé la médiatisation tous azimuts au rang projet artistique en soi» (je cite de mémoire). Moi qui croyais occuper ce mien espace dans l’Agora publique pour la défense de causes qui me tiennent à coeur, de causes communes (valorisation de la littérature en général, de la Québécoise en particulier; défense des intérêts des artistes et travailleurs culturels; etc.)… Et si je m’étais illusionné sur ma propre grandeur d’âme, comme le Jean-Baptiste Clamence de La Chute de Camus?

Mon amie Jacinthe (qui soupait chez moi hier, après notre répétition de trompette) m’a invité à l’accompagner au théâtre ce soir, pour voir Le Doute. Il n’y pas à dire: voilà qui tombe pile…

October 10th, 2007
Catégorie: Commentaires, Réflexions Catégorie: Aucune

5 commentaires à propos de “Mon brave visage”

  1. Nadia a écrit:

    Okay, si on prend la direction BHL, à titre de personne pr, je recommande qu’on te trouve au plus tôt, une barbie du cinéma indépendant. Dans quelques années, elle pourra chanter, tandis que tu joues de la trompette et vous ferez TLEP…

  2. Venise a écrit:

    Je range tout ça sous le syndrome “simplicité du Québécois moyen”. Aussitôt qu’on expose son visage (et le reste), on est déjà suspect. On nous a à l’oeil. Il faut être bon mais pas trop, modeste, discret, pas trop riche, pas trop réussir. Le succès se porte bas ici. Il y a une certaine amélioration à mesure que notre estime grandit mais on part de loin !

    Quand nous sommes une figure publique, notre simplicité se fait scrutée, on en gratte la surface pour être certain qu’elle est authentique.
    C’est fou hein … quand on s’y arrête, vouloir être simple c’est déjà s’éloigner de la simplicité !

    Continuez d’être qui vous êtes en toute simplicité, et efficacité (quand ce sont les autres qui nous disent que nous sommes simples, là, c’est correct !). Vous avez déjà 36,000 visages de vous (les projections !) qui se promènent, ce qui compte c’est de reconnaître votre brave visage dans le miroir de votre conscience !

  3. Stanley Péan a écrit:

    Merci de vos commentaires encourageants à toutes les deux. Cela dit, Nadia, visais-tu quelqu’un en particulier quand tu parlais d’une «Barbie du cinoche indépendant»? 😉

  4. Nando Michaud a écrit:

    La citation exacte est : « …élevé la médiatisation tous azimuts à hauteur de projet d’écriture…». Le roman en question (Le hasard défait bien des choses, Éditions Triptyque) est paru en 2000. La suite des événements donne à croire que je ne me suis pas trop trompé.
    Quant à la brouille, il pourrait être intéressant que tu en fournisses la raison, ne serait-ce que pour nourrir le mémérage qui fait vivre la blogosphère.

  5. Stanley Péan a écrit:

    Comme c’est étrange, Nando, d’avoir de tes nouvelles (si je puis dire) par ce biais! Le ton de ton commentaire me laisse croire que le dédain vaguement hostile que tu sembles désormais éprouver à mon égard ne s’est pas dissipé… Bon. J’ai appris à vivre avec, à passer outre, comme en témoignent d’ailleurs les critiques élogieuses que j’ai écrites sur tes romans (dans La Presse, notamment) et les invitations à ces miennes tribunes médiatiques (Bouquinville, à la Chaîne culturelle) que je t’ai tendues au fil des dernières années par appréciation de ton oeuvre et en dépit de tout. Cela dit, ne compte pas sur moi pour étaler ici les menus détails de la querelle: même après toutes ces années, j’ai gardé un fond de gêne et de pudeur (de pudibonderie, dirais-tu sûrement) et je n’ai jamais été du genre à laver mon linge sale en public.

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