stanleypean.com


Les carnets web de l'écrivain Stanley Péan

Faire le deuil

L’angélique Angélique m’écrivait aujourd’hui qu’il faut savoir faire le deuil des fantômes de notre passé et tourner la page. Elle ne croit pas si bien dire, mais sans doute ne soupçonne-t-elle pas la portée de ces propos dans mon esprit. Je ne fais pas juste allusion à Hélène Pedneault, décédée hier, qui n’était tout de même pas une amie intime mais que j’appréciais énormément. Ainsi que nous nous le disions l’autre jour, mon frère Reynald et moi, à cette période de l’année où l’hiver s’amène avec la promesse d’étreintes glaciales, alors que les jours n’en finissent plus de raccourcir, difficile de ne pas songer à notre défunt père, Mèt Mo, parti à la mi-novembre, lui aussi emporté par un cancer. On ne guérit pas de la mort de son père, écrivais-je il y a quelques années en conclusion d’un récit dédié à ma vieille chum Sylvie Demers, qui venait à l’époque de perdre le sien.

Ces idées splénétiques envahissent mes pensées, alors que je visionne un concert du trompettiste virtuose Christian Scott, dont j’ai reçu hier le service de presse. Les deux premières pièces semblent faire écho à ma propre mélancolie: «Died In Love», dédiée par le jazzman à un couple d’amis assassinés à New Orleans, et «Litany Against Fear», dont le titre se passe d’exégèse. Je connaissais ces musiques hybrides de jazz postbop et de rock alternatif dense, pour les avoir entendues en direct lors du passage de Scott au Gesù dans le cadre du Festival international de jazz de Montréal l’été dernier. Je les redécouvre sur ce CD/DVD et constate qu’elles m’impressionnent encore autant. Enregistré devant public un demi-siècle après le triomphe de Miles Davis au même légendaire festival, Live at Newport est paru sous étiquette Concord le 4 novembre dernier, soit précisément le jour de l’élection de Barack Obama, le jour où l’Amérique acceptait implicitement de porter en terre quelques uns de ses vieux démons. Il y a de cela, ici.

— Cette musique aborde la question de la maturité, du fait d’être aujourd’hui meilleur que la veille, d’expliquer candidement le jeune artiste en entrevue. Je veux la jouer non seulement parce qu’elle me permet d’exorciser ce que je porte en moi, mais parce que je crois qu’elle peut aider l’auditeur à traverses ses propres épreuves. 

À n’en pas douter, avec ses faux-airs de Lee Morgan, sa trompette coudée à la Dizzy et son esprit d’aventure hérité de Miles, Christian Scott s’affirme comme une étoile montante sur la scène jazz progressiste. Et il a tout juste 25 ans, le bougre! Déjà, je l’aime presque autant que ce bon vieux Wallace Roney. Ce qui n’est pas peu dire.

December 2nd, 2008
Catégorie: Auditions, Commentaires, Réflexions Catégorie: Aucune

Un commentaire à propos de “Faire le deuil”

  1. christophe rodriguez a écrit:

    Ce qui n’est pas peu dire, effectivement.. Presque autant que Wallace…? Se peut-il, ami Stanley? Il a du chien, l’animal.

    Trompette coudée, oui — une Edwards qui pèse une tonne, avec une embouchure Monette Old Style.

≡ Soumettez votre commentaire