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Les carnets web de l'écrivain Stanley Péan

Une nuit à l’urgence

Je sais, j’avais trop tardé avant de consulter un médecin — il aurait fallu le faire dès le retour de Tadoussac. Pire, j’ai même poussé l’outrecuidance jusqu’à animer mon émission de jazz en direct lundi, toujours sans avoir consulté, alors que ma gorge était comme chauffée à blanc. J’avais pourtant bien reconnu les symptômes de l’amygdalite, pour en avoir fait à répétition au début des années 90. Quinze ans de rémission, ça vous donne une arrogance de pseudo-superhéros. En dépit de celle-ci, j’ai essayé d’obtenir une consultation dans une des cliniques sans rendez-vous du Plateau après l’émission de lundi — peine perdue, parce que même sans rendez-vous, le nombre de patients par jour est forcément limité. Ce n’est qu’hier que j’ai finalement eu accès à un docteur, qui a confirmé mon propre diagnostic, a constaté l’ampleur de dégâts et m’a référé à l’urgence de l’hôpital Notre-Dame pour contrevérification et, surtout, examen oro-rhino-laryngologique exhaustif. Les bonnes nouvelles, c’est qu’il n’y avait pas d’abcès sur mon amygdale gauche comme le redoutait le généraliste et qu’il n’y a pas de raison de procéder l’ablation; la mauvaise, c’est qu’il m’a fallu passer la nuit sous observation à l’hosto.

Je ne me rappelle pas la dernière fois que j’ai entendu mon patronyme prononcé à l’anglaise aussi souvent en un laps de temps aussi bref: Mister Pean, comme un lointain cousin de Mister Bean. Seuls quelques uns des employés haîtiens de l’établissement (mais pas tous) et un médecin originaire de Jonquière (où l’on se serait, selon lui, connus à l’adolescence) avaient idée de la prononciation bel et bien française de Péan. La meilleure, c’est cette infirmière préposée au tri des patients que j’avais voulu reprendre:

— Ça se prononce Péan, avec un accent aigu, avais-je tenté de lui expliquer, bien gentiment pourtant.
— Peut-être bien, mon cher monsieur, mais autant vous habituer tout de suite au fait que la plupart des gens vont le prononcer Pean.

Je l’ai dit à mes amis l’Amiral et Red qui se sont succédés à mon chevet en soirée hier, juste parce que c’est vrai et vraiment pas parce que j’en tirais quelque gloriole: en 44 ans d’existence, je n’avais jamais été hospitalisé, je n’avais donc jamais dormi à l’hôpital — si on excepte la fin de nuit de mi-février 2005 où je somnolais au chevet de Patsy en attendant la naissance de Philippe. Cela dit, mon record est somme tout sain et sauf puisque je n’ai guère fermé l’oeil, à croire que c’était moi qui gardait cet étrange vivier nocturne sous surveillance. Mais que de brouhaha dans une urgence montréalaise la nuit! Entre le va-et-vient incessant des médecins, infirmières, préposés aux bénéficiaires, gardiens de sécurité et autres membres du personnel d’une part et les gémissements de l’un, les lamentations de l’autre, la petite crise de la paumée qui voulait qu’on lui offre le gîte pour la nuit, mes propres allers-retours au petit coin pour constamment rincer ma bouche envahie de sécrétions (je n’insiste pas), comment trouver le sommeil?

J’ai accueilli l’aube avec un certain soulagement, celui de savoir que j’obtiendrais mon congé rapidement, mais ma fatigue était telle, mon système nerveux ayant été mis à une épreuve si rude, que je me sentais en-dehors de moi-même, dans un état second, confondant réalité et rêveries, opérant dans mon esprit des télescopages incongrus de conversations qui se tenaient simultanément autour de moi mais n’avaient pas de lien entre elles. Inutile de dire que je n’étais pas mécontent de sortir, une fois ma prescription, mon ordre de repos et ma prescription signés par l’ORL satisfait des débuts de mon traitement (antibiotiques administrés par intraveineuse). J’ai passé l’après-midi, peinard, à dormir et à lire, maître de la suite des événements qui consistera à ingurgiter un cachet aux six heures et à me restreindre à une diète liquide mais sans alcool pour les quatorze prochains jours.

June 9th, 2010
Catégorie: Commentaires, Nouvelles, Réflexions Catégorie: Aucune

3 commentaires à propos de “Une nuit à l’urgence”

  1. Stefan Psenak a écrit:

    14 jours? Si tu me dis que tu peux tenir deux semaines, je m’y mets aussi!

  2. Aline a écrit:

    Alors, diète réussie? Stefan m’a ôté les mots de la bouche!

    Je mettrais bien en bande son le thème de Mission Impossible

  3. Stanley Péan a écrit:

    Femme de peu de foi que tu es, Aline! J’ai passé un peu plus de deux semaines sans alcool comme prescrit — le traitement antibiotique s’est terminé avant-hier. Et même Stefan Psenak, qui était mon invité la semaine dernière à l’occasion d’un souper généreusement arrosé (pour les convives, pas pour l’hôte!) peut désormais témoigner de cette sobriété obligée qui a, fort heureusement, pris fin…

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