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Les carnets web de l'écrivain Stanley Péan

R.I.P.: Paul-Marie Lapointe

Ainsi, les rumeurs inquiétantes qui circulaient ce week-end sur son état santé viennent de trouver confirmation: Paul-Marie Lapointe, écrivain et journaliste, s’est donc éteint ce matin à l’aube à l’hôpital Mont Sinaï, à quelques semaines de son 82e anniversaire, le 22 septembre prochain. Authentique monument de la poésie québécoise, le natif de Saint-Félicien au Lac Saint-Jean avait fait paraître, au terme de ses études à l’École des beaux-arts de Montréal, Le Vierge incendié (1948), un premier recueil surréaliste détonnant dans le paysage du Québec d’après-guerre encore que contemporain du fameux manifeste de Borduas et de son groupe, Le Refus global.

Grand amateur de jazz (il ne manquait jamais une occasion de me le rappeler, quand nous nous croisions), Lapointe avait fait de l’écriture automatique et de l’improvisation les pierres angulaires de son art poétique d’une rigueur qui n’avait d’égal que son lyrisme. Relativement imperméable au nationalisme ambiant dans les années 60, sa poésie témoignait d’une grande sensibilité, d’un esprit de révolte libertaire et exprimait son amour profond de la nature. L’ensemble de cette oeuvre avait d’ailleurs valu le prix Athanase-David en 1972 à cet homme de lettres éminemment cultivé qui, parallèlement à sa carrière littéraire, avait occupé de nombreux postes important à la Société Radio-Canada, notamment celui de directeur de la programmation radiophonique. Notons qu’il s’était également vu décerner le prix de l’International Poetry Forum (États-Unis) en 1976, et le Prix Léopold-Senghor (qui récompense une œuvre poétique à l’échelle de la francophonie) en 1998 et le prix Gilles-Corbeil (le «Nobel» québécois) en 1999.

Les grands poètes nous quittent sans que personne puisse les remplacer, dire le monde et son insondable mystère de manière aussi personnelle qu’eux. Il va sans dire que j’adresse mes sympathies à ses proches. J’ai un léger pincement au coeur, tandis que je cherche dans le classique incontournable de Lapointe quelques vers pour la circonstance. Tiens, en attendant de trouver plus pertinent, relisons ensemble cet extrait de son poème «Carte postale»:

à la façon des fleurs séchées les anges
habitent des feuillets solitaires
ne les quittent que pour d’austères envols
rares fêtes
missions de ressusciter l’enfance
et le temps de vivre

de telle sorte que se manifeste
épisodique
la mémoire de dieu et les larmes
la misère quotidienne d’être heureux

rien n’est simple
ni l’âme du vieux couple dans le dernier village avant la fin des temps
ni la chaleur d’aimer

August 16th, 2011
Catégorie: Commentaires, Événements, Lectures, Réflexions Catégorie: Aucune

11 commentaires à propos de “R.I.P.: Paul-Marie Lapointe”

  1. Martine Cornu Jessop a écrit:

    R.I.P. Paul-Marie Lapointe… je me souviens tres bien de lui a RC

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  2. Stéphane Berthomet a écrit:

    Voilà qui est bien dit : “Les grands poètes nous quittent sans que personne puisse les remplacer…”

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  3. Diane Thuot a écrit:

    Paul-Marie Lapointe
    quand frappe la mort
    qu’est Vépervier ?
    la proie ne périt que de soleil
    lame pure napalm
    …et de la nuit qui s’ensuit
    galet du temps
    la planète terre gît
    lisse

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  4. Alain Ranger a écrit:

    Le poète meurt souvent ; mais la poésie parfois lui survit.

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  5. Stanley Péan a écrit:

    Tout au long de l’émission de jazz ce soir, je continue de penser à Paul-Marie Lapointe. Sur Facebook, on multiplie les commentaires sur la bien triste nouvelle.

    J’ai trouvé ce vers du disparu: «Là-bas, où il n’est pas de mort, où il n’est que triomphe, je veux aller. Ô ne jamais mourir, ne jamais finir, moi !»

  6. Réjean Bonenfant a écrit:

    Effectuant des pèlerinages littéraires, à l’été 1969, je me suis retrouvé à St-Félicien pour photographier la maison natale de Paul-Marie, un poète que j’aimais beaucoup. Comme je l’avais fait pour les maisons d’Émile Nelligan, d’Anne Hébert, de St-Denys Garneau. De Ronsard et d’Hugo. Une dame est sortie de la maison sur la galerie pour me demander pourquoi je photographiais sa maison. Alors, tout fier de moi, je lui ai dit qu’un grand poète, ce qu’elle ne savait peut-être pas, était né dans cette maison. Le feu dans l’oeil, elle m’a dit “Je suis sa mère”. Elle m’a invité à prendre un café avec elle et son mari. Des gens simples, qui n’en revenaient pas qu’un touriste connaisse leur fils. Je les ai photographiés, à la table de la cuisine, devant une murale peinte par Paul-Marie durant les années quarante.

    Quand j’ai connu Paul-Marie, 25 ans plus tard, je lui ai raconté L’anecdote. Il en était ému. Il n’avait aucun souvenir tangible de cette toile. Je lui par la suite fait parvenir la photo en question, qui s’est avérée, selon ce qu’il m’a confié par la suite, être la toute dernière photo de son père décédé peu après.

    Paul-Marie-Lapointe avait un sens de l’éthique un peu rare, ne se permettant aucune lecture publique tant qu’il a été à l’emploi de Radio-Canada. Voilà un poète qui m’a fait grandir et m’a appris la nécessaire humilité du poète. Je suis absolument assuré qu’il repose dans la paix, une paix chargée d’amour.

  7. Jean Vaugeois a écrit:

    Le poème “Arbres” un superbe éloge des liens entre l’arbre, les hommes et la vie d’ici.

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  8. Lyette Houle a écrit:

    Merci de nous faire partager ce moment et en même temps de nous orienter vers ses oeuvres.

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  9. Johanne Girard a écrit:

    Triste nouvelle… Mais… heureusement que ses mots resteront pour témoigner de sa présence.

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  10. Carole Towner a écrit:

    Au moins il a eu le temps d’écrire avant de mourir. J’ai tellement peur de mourir avant d’avoir écrit quelque chose…

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  11. Anne Genest a écrit:

    Ce sont ces vers qui me sont venus en tête en apprenant la triste nouvelle :

    « Il ne faut pas oublier
    qu’on oublie de partir quand on est parti
    il ne faut pas pleurer sans pleurer
    d’avoir omis de partir
    un jour qu’un grand navire
    nous disait à l’oreille
    c’est maintenant l’heure de partir »

    Paul-Marie Lapointe, Le Vierge incendié

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