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Les carnets web de l'écrivain Stanley Péan

Péan au Népal, Jour 1 — Katmandou et nulle trace du spectre de Ronald Colman

Aeroport-de-Katmandou

Katmandou, dans la nuit après notre arrivée. La capitale népalaise ne dort que d’un seul œil apparemment. Tout comme moi, pourtant couché tôt après notre souper d’équipe. Un savant amalgame de fébrilité, de décalage horaire et d’insomnie m’a arraché au sommeil. De ma chambre, j’entends vrombir des moteurs d’autos et de motos, dont l’écho se perd dans le lointain. Le CECI Népal nous a logés à l’hôtel Shangri-La mais, même dans l’indigo de la nuit, je n’ai croisé nulle part le spectre de Ronald Coleman (l’interprète de Robert Conway, dans Lost Horizon de Frank Capra).

Je ne l’ai su qu’il y a quelques minutes, en clavardant avec mon amie Hélène : un petit bimoteur Twin Otter de la compagnie Tara Air s’était écrasé le matin même dans une région montagneuse du Népal, quelques minutes après le décollage, faisant une vingtaine de victimes. Atterrir dans un pays un jour de catastrophe aérienne me semble à la fois triste et absurde. Il va sans dire que nos sympathies vont aux familles éprouvées.

Mais que nos proches se rassurent cependant : malgré le retard d’un jour occasionné par le cafouillage avec American Airlines lundi matin, nous sommes arrivés sains et saufs, après la dernière et brève escale à Doha au Qatar qui hélas ne nous a pas permis de prendre la pleine mesure de la splendeur de l’Aéroport international Hamad. Récemment rénové de fond en compte, le majestueux complexe fait mentir la vieille locution « laid comme un aéroport ». Inévitablement, j’ai songé à Pierre Desproges qui avait consacré un chronique ma foi assez scabreuse à ce richissime émirat, texte que l’on retrouvera dans son irrévérencieux recueil Les étrangers sont nuls.

À bord de notre dernier avion – un vol Qatar Airways puisque la capitale qatarienne n’accueille que des vols de cette ligne aérienne – j’ai dormi comme un loir, malgré les pleurs incessants de la fillette d’un an à peine assise sur sa mère de l’autre côté de l’allée à ma gauche et les vomissements de mon voisin de droite, un gamin d’une dizaine d’années voyageant avec son père qui, le croirais-je, n’avait pas trouvé de meilleur moyen d’exprimer son mécontentement sur la qualité de la nourriture qu’on nous a servie. J’ai dormi sur mes deux oreilles, comme on dit, malgré l’absurdité de cette locution. Zen, vous dis-je… 😉

D’ailleurs, une fois les douanes népalaises passées sans anicroche, les valises récupérées en un temps record, ni la chaleur, ni l’interminable délai d’attente dans la navette dépêchée par l’hôtel (on ne pouvait partir sans un autre client du Shangri-La, arrivé sur un autre vol) n’ont su ébrécher le bouclier de ma zénitude nouvelle. C’est vous dire. Nous nous sommes séparés de Nadia, partie dans un autre véhicule rejoindre ses consœurs et confrères coopérants avec qui elle passera les prochains mois. Quant à nous, une fois le dernier passager assis, notre navette s’est engagée dans les rues de Katmandou, dont la circulation automobile m’a semblé étonnamment fluide. Il va sans dire que Benoît, France-Isabelle et moi n’avons pu nous empêcher de souligner les ressemblances et les différences entre ce paysage urbain et celui de Port-au-Prince.

Situé au cœur du quartier diplomatique de Katmandou, pas très loin de la Place royale à ce que j’ai lu, le Shangri-La est un établissement renommé à l’architecture imposante, dont les magnifiques jardins contribuent grandement à l’ambiance sereine. Dans le petit salon attenant à la réception nous attendent deux autres collègues du Québec, la photographe Kiran Ambwani et Dilip Chinnakonda du bureau montréalais du CECI, ainsi que nos hôtes du bureau népalais du CECI Keshava Koirala et Sushma Shrestha. Le temps faire connaissance, de régler quelques formalités, de revoir le calendrier de travail légèrement révisé en raison de notre retard, et chacun, chacune peut aller prendre possession de sa chambre avant de se retrouver dans le lobby pour aller souper ensemble.

Évidemment, parce que la poisse me poursuit, je réussis sans le moindre effort à faire sauter les fusibles de tout l’étage juste en voulant brancher ma tablette Samsung pour la recharger. Heureusement, le technicien envoyé par la réception, bien avenant, bien efficace, et parvient à rétablir l’électricité dans ma chambre et dans celles de mes voisins de palier.

Réunis à l’heure dite, nous prenons le chemin du resto tout près en nous autorisant petits détours et escales, qui pour aller changer des devises, qui pour rendre visite à l’agence NCell la plus près. Bien que le CECI Népal nous ait toutes et tous gracieusement équipés d’un téléphone cellulaire de fonction, j’entends me procurer une carte SIM pour mon tout nouveau gadget, la Phablet sans nom que j’ai achetée avant de partir et que j’utiliserai comme liseuse (les fameux guides du Népal achetés via Kindle!) et pour surfer sur l’internet et alimenter le blogue quand nous aurons quitté les grands centres pour la campagne.

Le croirez-vous? C’est un portrait de Miles Davis peint dans des couleurs vives qui nous accueille dans la salle à dîner du Bhumi, le resto choisi par Dilip, qui nous a dit le plus grand bien des spécialités newaries, c’est-à-dire les mets typiques de la vallée de Katmandou. Après l’apéro, bière blonde pour tout le monde sauf Kiran et moi qui avons choisi de goûter l’aila, une eau-de-vie de riz, nous partageons en entrée des momos (sorte de raviolis locaux, farcis au poulet ou végétariens) puis divers plats au cari, accompagnés de riz battu, de fèves de soya croustillantes et d’autres délicatesses, le tout littéralement enflammé par une piquance pas piquée de vers. C’est le type de piment qui brûle autant à l’entrée qu’à la sortie, comme aurait dit en blague la très digne Lady I, ma mère. La plupart des convives ont la bouche en feu, sauf Dilip, un habitué de la cuisine newarie, et Benoît qui manifestement est doté d’un palais en téflon.

L’atmosphère est conviviale, ce qui est de fort bon augure pour la suite de la mission.

Nous rentrerons tous ensemble de bien bonne heure, puisque notre programme très chargé du lendemain débutera de grand matin.

February 24th, 2016
Catégorie: Événements, Nouvelles, Réflexions Catégorie: Aucune

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