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Les carnets web de l'écrivain Stanley Péan

Le Royaume de ce monde

Festival des Mets et des Mots (FMM)

Un peu plus de deux heures du matin. Je viens tout juste de débarquer à Chicoutimi. C’est Alexandre Courteau qui m’accueille dans ma chambre d’hôtel; apparemment, on privilégie Espace musique sur les radio-réveils de l’établissement. C’est drôle: quitter mon studio de Radio-Canada vers 20h00 pour me faire saluer par un collègue six heures plus tard. Faut-il rapprocher cette coïncidence de la théorie de l’éternel retour? Kundera, où es-tu?

Je cabotine, bien sûr, la fatigue aidant. J’ai tout de même passé une bonne partie de ces six heures à écrire à bord des deux autobus que j’ai pris successivement. Le croiriez-vous? Les véhicules Intercar qui font la liaison Québec-Saguenay sont désormais dotés de prises électriques; j’ai pu profiter de mon portable jusqu’à ce que mes yeux me réclament un petit répit. J’ai notamment avancé un peu plus dans l’univers de mon Bizango, au son de ce nouveau disque de Jimmy Cobb en quartette que j’ai reçu cet après-midi et présenté à l’aveugle, presque, aux auditeurs d’Espace musique. Mon choix s’était tout naturellement porté sur la relecture d’Emily, un standard qui n’a pas fini de m’émouvoir, et pour cause, et à plus forte raison lorsqu’interprété avec la juste dose de mélancolie qu’exige la mélodie. Another song about you. Incorrigible nostalgique décidément suis-je.

Inévitablement, je songe à ma dernière visite à cet hôtel, je suppose, à un moment où je m’efforçais encore de faire le deuil d’une idylle dont le souvenir qui me hante. Une ancienne flamme venait tout juste de perdre son père, que j’avais connu un peu et apprécié beaucoup d’ailleurs. Et comme aujourd’hui, la fenêtre de ma chambre s’ouvrait le centre-ville chicoutimien avec en arrière-plan le Saguenay, majestueux de nuit comme de jour, pareil à un appel à la dérive. Décidément, mon royaume est de ce monde. Et malgré tout l’attachement que j’éprouve pour mon amère patrie méconnue, je sais qu’ici aussi, je suis chez moi.

À mon réveil (il faudra bien que je me couche, après tout, puisque malgré la soif je ne me laisserai pas tenter par les bars de la rue Racine encore ouvert pour une petite demie heure), je me joindrai aux collègues ici présents pour la deuxième édition du festival gastronomico-littéraire Des mets et des mots, célébration amusante de ce que Gide appelait des nourritures terrestres.

October 17th, 2009
Catégorie: Commentaires, Nouvelles, Réflexions Catégorie: Aucune

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