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Les carnets web de l'écrivain Stanley Péan

Jour 4: Balade sous un ciel endeuillé, avec le spectre de Dali

À la veille du départ, il fallait bien sortir un peu de Collioure. J’en avais rêvé un peu, certes. Et c’est l’écrivain Jean-Pierre Bonnel, accompagné de son amie Marielle, qui m’ont offert de débuter la journée par une brève escapade en Catalogne du sud. La frontière espagnole n’est à près tout qu’à quelques minutes d’ici. Nous roulons sous ce même ciel en deuil de soleil auquel on me demande de m’habituer.

Première escale, un bled d’une laideur et d’une morosité à faire peur, du nom de La Jonquera. Le Saguenéen en moi ne peut s’empêcher de sourire, au souvenir de l’animateur de bingos itinérant J. É. Prudhomme et de sa manière de prononcer le nom de mon patelin dans ses publicités télévisées. Mais là s’arrêtera mon évocation des sous-sols d’église où s’entassaient les belles-soeurs jonquiéroises anxieuses de crier « bingo! ». Ainsi que le racontait la sociologue Sophie Avarguez au débat sur la Méditerranée et les femmes présentée dimanche au festival Un livre à la mer, cette bourgade grise de tout juste trois mille habitants est l’un des plus hauts lieux du tourisme sexuel en Europe, dont les activités illicites imprègnent profondément moeurs et mentalités…

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Évidemment, loin de moi l’envie de m’éterniser dans ce village-bordel, que fréquentent autant les conducteurs de poids-lourds que les jeunes hommes désireux de perdre pucelage. Après que Jean-Pierre ait fait ses achats dans une cave à cigares, nous roulons un peu plus loin, vers Figueras, patelin de Salvador Dali, au coeur duquel se trouve d’ailleurs le plus impressionnant des objets surréalistes de la planète, le théâtre-musée Dali, installé dans cet immeuble qui abritait au XIXe siècle le Théâtre municipal. La saison touristique n’étant pas tout à fait terminée, c’est la cohue autour de la célébrissime institution. Dommage, car une visite des salles d’exposition m’aurait sûrement plus. C’est bien l’ennui de ces séjours-éclairs dans des coins de pays aussi  passionnants, et du rythme qu’imposent ces brèves excursions. Il me faudrait du temps mais, du temps, j’en ai pas, chantait Brel. Il faudrait surtout pouvoir revenir.

Le coeur de Figueres est néanmoins hanté par le spectre du créateur des montres molles. Comme notre marche sur la rambla coïncide avec l’heure du repas, Jean-Pierre et moi partageons volontiers une paëlla mixte pour deux (bien meilleure que celle dégustée à Collioure samedi), tandis que Marielle opte pour le poulpe à la Galicienne. Puis, nous reprenons l’autoroute pour rentrer en France, et profiter du reste de l’après-midi pour arpenter les rues de Perpignan, en banlieue de laquelle je n’ai fait qu’atterrir vendredi. La place de la république, les vestiges de fortifications, la promenade sur les berges de la Têt, et puis ces briques roses… tout cela me rappelle un peu Toulouse, où j’ai séjourné à deux reprises ces dernières années.

Après un pit stop chez Jean-Pierre en banlieue de Perpignan, le temps d’une p’tite bière (et depuis combien de temps n’avais-je pas bu une Pelforth?), nous rentrons à Collioure pour le dîner aux Templiers où je loge encore, quoique dans le bâtiment principal pour cette dernière nuit. À table, je suis interpellé par une prof de lettres en vacances avec mari et enfants. Nous ayant entendus, Jean-Pierre, Marielle et moi discuter de littérature québécoise, d’autofiction, d’indépendance nationale, elle me demande pardon de m’interrompre et ose m’adresser cette question, que je n’avais pas entendue depuis fort longtemps:

— Ne seriez-vous pas Dany Laferrière?

Décidément…

 

August 27th, 2013
Catégorie: Commentaires, Nouvelles, Réflexions Catégorie: Aucune

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