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Les carnets web de l'écrivain Stanley Péan

Jour 3: «Voici le Capitole, j’y arrête mes pas…»

Le lever du corps a été un brin difficile, compte tenu des excès de la nuit; dans la chambre de Thomas, au son des chansons de Woody Guthrie relues par notre hôte au chant et à la guitare, j’ai bu bien du scotch et bien de la bière, en compagnie de ces mauvais compagnons que sont Louis, Sage et M. Hellman lui-même. Ces libations nocturnes ne me dispensaient pas, bien au contraire, du devoir d’articuler une pensée cohérente à la table ronde de ce matin, animée par Valérie Marin La Meslée (Le Point, Le Magazine littéraire). Intitulée “Chronique d’un printemps québécois”, la discussion visait à faire le point sur la crise sociale qui afflige le Québec depuis un moment déjà, dont la grève étudiante n’est que l’épiphénomène, une crise savamment entretenue par le Parti Libéral de Jean Charest dans la volonté manifeste de faire un bel écran de fumée à ce que pourrait révéler sur notre élite politique la Commission Charbonneau dont les travaux ont été suspendus jusqu’au 17 septembre prochain. Tour à tour, citant les écrits d’Élise Turcotte et d’Olivier Kemeid sur la question, Michelle Corbeil, Évelyne de la Chenelière, Michel Vézina (arrivé de Bordeaux avec un brin de retard) et moi avons fustigé ce gouvernement usé, cynique et méprisant pour avoir sciemment instrumentalisé son conflit avec les étudiants à des fins purement électoralistes et, pire encore, pour avoir délibérément laissé se dégrader le climat social au Québec.

À notre auditoire français, avide d’en savoir davantage sur cette situation qui évidemment lui rappelait un certain mois de mai d’il y a quarante-quatre ans, j’ai osé une prédiction: à la reprise en force des manifestations pour la rentrée scolaire, gageons que le Premier ministre, dont l’opportunisme est bien connu, déclenchera des élections qui comme par hasard se tiendront juste avant le retour en selle de la juge Charbonneau et de ses commissaires… Bien que les années Sarkozy les aient habitués à bien des turpitudes, nos auditrices et auditeurs ont frémi, étonnés tout de même par l’absurdité de notre système politique qui permet à un parti au pouvoir de choisir à son gré (et, faut-il le préciser, avec un oeil sur les sondages d’opinion) la date des élections. Il est vrai que des élections à date fixe comme en France, aux États-Unis ou ailleurs auraient pu contribuer à éviter les dérives en apparence anti-démocratiques qui ont ces dernières années si bien servi Stephen Harper et Jean Charest.

*

Ma journée s’est poursuivie avec le brunch officiel offert par la Poste de Toulouse puis une table ronde sur le polar présentée à la librairie La Renaissance, en périphérie de Toulouse, table ronde à laquelle je prenais part aux côtés des deux collègues italiens: le Bolognais Carlo Lucarelli (dont j’avais tant aimé le roman Almost Blue paru dans la Noire il y a une dizaine d’années) et Gilda Piersanti (que je ne connaissais pas mais dont le récent Wonderland me fait de l’oeil pour ainsi dire).

Enfin, après la lecture d’Évelyne (que j’avais hélas ratée hier) et le concert littéraire de Thomas, c’était à mon tour de monter sur scène pour présenter au public toulousain des extraits de mon oeuvre. Jumelé au comédien et metteur en scène Daniel Mesguish, un habitué du Marathon des mots, j’ai lu quelques passages de Bizango aux festivaliers entassés sous le chapiteau du Tambour, Place du Capitole. Puis-je, en toute modestie, souligner que l’accueil fut des plus chaleureux — si on passe sous silence cette dame qui a quitté la tente au bout de quelques minutes, à ce qu’il paraît outré par le machisme de mon roman. (Apparemment, elle ne faisait pas la distinction entre le comportement de certains personnages et le propos du texte, mais bon…)

Sorti de scène, j’ai rejoint les copains sur la terrasse d’un café pas trop loin, pour grignoter, boire, rigoler… pour faire corps avec la vie, quoi!

July 1st, 2012
Catégorie: Commentaires, Événements, Réflexions Catégorie: Aucune

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