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Les carnets web de l'écrivain Stanley Péan

Jazz, suite et fin

Les attentes que j’entretenais pour le concert de ma Cassandra Wilson n’ont pas été déçues: elle était, comme les précédentes fois où je l’ai vue chanter, radieuse comme un soleil fait femme, fait voix, fait musique. Entourée de complices totalement à l’écoute de ses moindres soupirs, en parfaite harmonie avec elle – l’indispensable Marvin Sewall à la guitare, Reginald Veal que je n’avais pas vu depuis un bail à la contrebasse, un dénommé Batiste au piano, un batteur et un percussionniste dont les noms m’échappent –, la sirène m’a littéralement envoûté. Et tant pis si mon pote Rodriguez – qui n’aime guère les chanteuses de toute manière, en dépit de ses protestations! — considère que le show ne levait pas. On ne va pas voir et entendre Cassandra Wilson en espérant des éclats, des feux d’artifices, de l’entertainment. Comme Murat, comme Cohen, comme Ferré, Cassandra Wilson est de cette race d’artistes qui imposent sur scène une atmosphère, une ambiance, un mood (sentimental ou pas) et qui s’y tiennent, sans effort. À la manière d’un peintre, elle nous impose cette manière de bleu (cher à Miles), cet indigo (cher à Ellington) au coeur duquel l’auditeur séduit, disponible, volontaire n’a qu’à se laisser flotter jusqu’à l’aube, blue light til dawn. En somme, un excellent concert et, avec l’hommage à Ferré par Roberto Cipelli et consorts et le tour de chant de Dianne Reeves, l’un des moments forts de mon festival… mais pas le dernier.

Après avoir un agréable souper au bistro du Nouveau Monde, l’angélique Angélique qui m’accompagnait s’est désistée pour la suite et c’est donc Anthony qui m’a rejoint au Gesù pour le concert du prodigieux Christian Scott, dont j’espérais aussi beaucoup et qui a livré la marchandise, à la tête d’un sextette à la musique dense, souvent presque menaçante, en l’occurrence des morceaux tirés de ses deux disques parus à ce jour: Rewind That! et le mémorable Anthem. À n’en pas douter, Scott s’affirme comme LE jeune trompettiste à surveiller sur la scène américaine dans les prochaines années, le digne successeur des plus grands auxquels il rend discrètement hommage sans se laisser obnubiler ou écraser par ce lourd héritage.

Après tant d’émois, il ne restait plus qu’à rentrer, peinard, saoulé de musique, et dormir brièvement avant de prendre le bus. Anthony, qui a dormi sur mon futon, m’a reconduit tout à l’heure à la gare. Et c’est en route vers le bas-du-Fleuve (où je vais pour fêter le soixantième anniveraire de Denis que j’écris ces quelques lignes, à mettre en ligne plus tard. Patsy et les enfants m’accompagneront à Saint-Roch. Mon seul regret, c’est de manquer le concert de James Carter ce soir à Montréal, mais il arrive que l’amitié pèse plus dans la balance que le jazz. Qui l’eût cru?

July 5th, 2008
Catégorie: Auditions, Commentaires, Réflexions Catégorie: Aucune

2 commentaires à propos de “Jazz, suite et fin”

  1. christophe rodriguez a écrit:

    Faux pour les chanteuses. Le pote aime Ella, Cassandra (Belly of The Sun), Anita O’Day, Dinah avec Clifford et Maynard… C’est qand même pas mal.

    Pour Christian Scott: génial mis à part le batteur. Il aurait du aller travailler un chantier de construction!

    À lundi, frère Péan.

  2. Stanley Péan a écrit:

    Allez, Christophe, mon pote, tu sais bien que je te taquine… à moitié. Je connais ton affection pour Ella et Anita. Pour Dinah, avoue cependant que c’est la présence de Maynard Ferguson qui t’enthousiasme le plus sur ce disque! À demain, en effet!

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