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Les carnets web de l'écrivain Stanley Péan

Jazz etc.

Le Festival bat son plein et je cumule de nombreux émois, mais aussi quelques déceptions.

La prestation d’Al Green samedi soir dernier, par exemple, m’a laissé perplexe; groovy comme on s’y attendait, mais aussi flirtant avec le kistch propre à Las Vegas (les pauses pour distribuer des roses dans la salle, ça tue le rythme d’un concert) et ponctuée d’envolées lyriques sur l’amour de Dieu dont je me serais bien passé. Le bonhomme a encore pas mal de voix, c’est une véritable bête de scène. Mais voilà, il oeuvre laboure davantage le sillon de l’entertainment que celui de l’art, à la différence de la sublime Lizz Wright dont le trop bref tour de chant constituait la première partie de la soirée.

Dimanche, mini-marathon de bonheur avec un exceptionnel concert du pianiste cubain Roberto Fonseca et son groupe Zamazu, une petite moitié de concert fort agréable du côté de la belle Coral Egan puis, le clou de la soirée, le vibrant hommage rendu à Léo Ferré par ce groupe de jazzmen italiens menés par l’élégant pianiste Roberto Cipelli, avec Gianmaria Testa au chant et Paolo Fresu à la trompette. Aussi beau que leur disque F. à Léo, ce concert capté par les micros d’Espace Musique sera d’ailleurs diffusé le 14 juillet prochain, date d’anniversaire de la disparition de Ferré.

Lundi, le bonheur, encore de retrouver Dianne Reeves, toujours aussi céleste, et en très grande forme. Après un petit saut du côté du Quartier Latin pour y entendre quelques chansons de ma copine Nancy Carroll (dont «Jamais calme», que nous avons cosignée l’an dernier), le retour sur le site pour un concert agréable mais sans plus de Charlie Haden et de son Quartet West.

Mardi, congé de jazz pour cause de loyauté à mon amiral Anthony dont le Tony Ambulance Band se produisait au Quartier Latin avec quelques invités — belle performance de tous, d’ailleurs. Par la suite, je me suis laissé entraîné par Elixire au jam de la Maison du Reggae, où j’ai terminé ma soirée.

Mercredi, grosse déception au concert d’Abbey Lincoln, qui a duré moins d’une heure. C’est une Abbey diminuée qui s’est présentée sur scène vingt minutes après l’arrivée de ses musiciens, fort bons par ailleurs, et qui n’a passé avec nous qu’une demi-heure, entrecoupée de fréquents retours en coulisse. Certes, le sens du rythme était là, mais la voix était plus éraillée encore que de coutume, la démarche hésitante, la mémoire défaillante. Il y avait là quelque chose d’aussi émouvant que décevant, quelque chose qui ressemble à un chant du cygne, en particulier au dernier rappel, en solo, a capella, où elle a entonné un vieux standard de sa jeunesse.

Hier, après l’électrisant set de mon pote Charles Imbeau et de ses Ekotones sur une scène extérieure, une autre déception m’attendait au concert de McCoy Tyner en big band. Lui aussi vieillissant, le lauréat du Prix Miles-Davis 2008 est entrée en scène après que l’orchestre des finissants de Berklee School of Music ait joué sans lui deux pièces complètement inutiles, aux arrangements bavards et fleuris. Le pianiste s’est joint à eux pour quelques pièces tout aussi lamentables, où on avait peine à retrouver l’intensité de celui qui jadis donnait la réplique à John Coltrane. Les choses ne se sont un peu améliorées que lors des quelques pièces où le fougueux trompettiste Christian Scott a rejoint l’ensemble. Quel prodige! Encore un peu vert, certes, mais doté d’un style qui prolonge sans s’y tenir strictement les leçons d’un Lee Morgan. Voilà qui augure bien pour son concert de ce soir, entouré de ses propres musiciens, que j’aurai le plaisir de voir et d’entendre… après le concert que j’attends avec le plus de fébrilité, celui de ma Cassandra Wilson.

P.S.: pour ceux et celles que ça intéresse, à lire dans le Voir de cette semaine, mes entretiens avec Cassandra justement et Bettye LaVette.

July 4th, 2008
Catégorie: Auditions, Commentaires, Réflexions Catégorie: Aucune

Un commentaire à propos de “Jazz etc.”

  1. Marie a écrit:

    C’est avec excitation et enthousiasme que je suis allée voir Abbey. Depuis les années que je l’écoutais, j’en aurais presque pleuré en m’asseyant sur mon siège. Et puis voilà, comme l’écrit M. Péan, notre Abbey arriva fragile et fatiguée. Je fus décue, en effet, l’espace de deux minutes et puis, enfin, je l’ai trouvée belle, émouvante, forte c’est-à-dire en fait, sublime. Mais le plus émouvant, ce seront ses musiciens et ce public exceptionnel qui l’ont soutenue tout le long avec amour, tendresse, nostalgie mais aussi avec une vraie fierté.

    Alors oui, nous n’avons pas pu écouter Abbey Lincoln comme nous l’aurions désiré, mais il aura fallut un grand courage à cette très grande dame pour monter sur scène (elle est la première a connaître son état de santé) et pour cela nous reconnaissons son caractère exceptionnel et encore une fois le courage dont elle n’a jamais cessé de faire preuve. Pour tout cela, ce fut l’un des plus beau et le plus émouvant concert auquel j’ai assisté. Alors, M. Péan, s’il vous plait, soyez plus généreux envers Abbey.

    Cordialement.

    Marie

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