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Les carnets web de l'écrivain Stanley Péan

Irriguer de sens le monde et la vie

Jacques Beauchamp de la Première Chaîne m’a donné rendez-vous cet après-midi pour une brève entrevue sur Albert Camus, à diffuser le 4 janvier prochain dans le cadre d’un reportage sur le demi-siècle de sa disparition. Apparemment, quelqu’un lui aurait dit à quel point l’auteur de L’Étranger, de La Peste et de La Chute est un écrivain essentiel dans ma vie. C’est drôle, parce que je dois également préparer un topo sur Camus pour l’émission de Vous m’en lirez tant du 3 janvier, que nous préenregistrerons la semaine prochaine. C’est drôle aussi parce que le Turc Orhan Pamuk, Nobel de littérature 2006, consacre quelques pages à Camus dans son recueil de textes et de chroniques D’autres couleurs que je dois commenter à Vous m’en lirez tant cette semaine. C’est drôle enfin parce que mon vieil ami Jean Désy, qui me ramenait de Joliette à Sainte-Foy l’autre dimanche, et moi avons passé le plus clair de notre trajet automobile à discuter de la permanence et de la pertinence de l’oeuvre camusienne. Il n’y a pas de hasard, c’est connu. Juste des signes, des correspondances, des concordances avec l’air du temps qui laissent songeur.

Pamuk écrit ceci:

Comme Dostoïeski, comme Borges, Albert Camus est un auteur fondamental pour moi. Par sa dimension philosophoqie, Camus nous suggère, avec une force étonnante, que le monde et la vie, si absurdes qu’ils paraissent, demandent à être irrigués par un sens et que la littérature à visée métaphysique recèle — comme la vie — d’infinies possibilités. Si vous les lisez dans votre jeunesse et avec l’optimisme qui se doit, ces auteurs vous inspireront le désir de devenir écrivain vous aussi.

Comme Pamuk, j’ai presque tout lu Camus entre l’âge de quatorze ans et le milieu de ma vingtaine. Et c’est vrai qu’avec Borges et une poignée d’autres (en vrac, Anne Hébert, Jacques Ferron, Jacques Stephen Alexis, Aimé Césaire, Rod Serling, Richard Matheson et Harlan Ellison), il fait partie du club sélect d’écrivains qui m’ont inspiré ma «vocation». Quand j’ai révélé ce détail à Harlan Ellison, en guise de liminaire à notre entretien paru dans les pages du Libraire (version abrégée) et de Solaris (version intégrale, ou presque) en 2001, Ellison m’avait répondu qu’il aurait préféré ne pas savoir ce détail me concernant . Et quand l’année d’après j’ai fait la même confidence dans les mêmes circonstances à Richard Matheson, l’auteur de Je suis une légende s’est étonné:

— Vous avez vraiment dit ça à Harlan Ellison?
— Oui.
— Et qu’est-ce qu’il vous a répondu?
— Qu’il aurait mieux valu que je me taise, pour lui éviter de devoir porter pour le reste de ses jours le fardeau de la conscience d’avoir contribué à ruiner ma vie.

Une pause.

— Oh. Eh bien, dans ce cas, je vais laisser tout ce fardeau à Harlan, avait fini par s’esclaffer Matheson.

December 10th, 2009
Catégorie: Commentaires, Événements, Lectures, Réflexions Catégorie: Aucune

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