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Les carnets web de l'écrivain Stanley Péan

Haïti 2015 (bis) – Réminiscences de René Depestre et éloge de Jacmel, la belle

Dernier jour du Festival Libérez la parole. Après le petit déjeuner, David, Laura et moi avons réquisitionné une voiture pour aller visiter le Vieux Jacmel. Avec la sollicitude dont il fait preuve depuis le tout début du festival, Kutcher s’occupe de nous; il s’improvise guide touristique pour nous et pour les autres membres de l’organisation, les jeunes bénévoles, qui désiraient également (re)découvrir cette ville que d’aucuns considèrent comme la plus belle de toute la République.

Appelez ça une déformation professionnelle : le plus souvent, les lieux sont pour moi à tout jamais associés aux écrivains qui les ont habités et/ou fait vivre dans leurs œuvres. Sans avoir jamais arpenté les rues de Prague ou d’Oran, la seule évocation de celles-ci me replonge respectivement dans les pages de Kafka et de Camus. Et si l’Oloffson reste hanté par le spectre de Graham Greene, dont mes compagnons de voyage et moi avons beaucoup causé depuis notre arrivée au pays, si la bourgade de Petit Goâve garde aujourd’hui les traces du passage de son plus célèbre fils, devenu académicien, ma seule présence à Jacmel fait résonner en ma mémoire les vers de René Depestre.

Comme nous aurons amplement le temps de le constater, elle est présente, la poésie de Depestre, sur la magnifique promenade en bord de mer qui ajoute au charme déjà grand de cette cité frappée par les cyclones. Après une visite de la bibliothèque Aux Trois Dumas qu’animent l’érudit Bernard Chignard, un retraité d’Air France haïtianisé depuis des lustres, et sa compagne comédienne Carline Colagène, passé les ruines des bâtiments autrefois utilisés par l’industrie du café, nous allons traîner sur la promenade en bord de mer, charmés par la magnificence de cet espace public inauguré par le président Martelly en février 2014. (Comme quoi le Sweet Micky laissera derrière lui autre chose qu’une odeur de scandale de népotisme et de concerts de Chris Brown). Éternel athlète, David étrenne l’équipement de conditionnement physique mis à la disposition des flâneurs, avec Laura pour entraîneure (à moins que ce soit l’inverse).

Déshydratés par la chaleur ambiante, nous prendrons bien une pause au bar l’hôtel Colin, avec vue sur le port et la piscine, ne serait-ce que pour mettre en application le nouveau slogan de la brasserie Prestige, célébrant les grandes bouteilles qui évoquent pour moi les « grosses bières » de mon adolescence saguenéennes : « Pataje Prestige ou! » (Partagez votre Prestige!) Voilà qui fait penser à cette vieille devinette, récemment remise au goût du jour et aux dépends de Michel Martelly, qui va comme suit : « Pourquoi Martelly boit-il de la bière El Presidente? – Parce qu’il n’a pas de Prestige. »

Blague à part. Le temps de visiter un dernier atelier d’artiste, attenant à l’hôtel Colin, il faudra bientôt reprendre la route vers Cayes Jacmel, en dehors de la ville, où Jean-Euphèle nous convie à un autre petit festin de poisson grillé sur la plage, devant la maison de ses amis collée sur l’hôtel L’Amitié, en guise de banquet de clôture du festival.

July 20th, 2015
Catégorie: Événements, Nouvelles, Réflexions Catégorie: Aucune

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