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Les carnets web de l'écrivain Stanley Péan

Haïti 2015 (bis) – Jésus nous aime

Le Festival Libérez la parole n’est pas qu’une affaire port-au-princienne, bien au contraire. Alors que Carole David reste dans la capitale pour prendre part aux fameux vendredis littéraires qui se tiennent au Centre culturel Anne-Marie Morrisset à l’initiative de Lyonel Trouillot, Michel Vézina, Michèle Ouimet, David Homel et moi partons en province. Vézina interviendra aux Gonaïves, Homel et Ouimet aux Cayes et enfin moi à Petit Goâve.

Ce n’est pas encore la séparation tant redoutée pour Homel et moi, puisque Laura et moi voyageons avec David et Carole dans la voiture de Verly Dabel, chroniqueur, essayiste et surtout nouvelliste à l’humour noir et dévastateur. Comme toujours, la sortie de Port-au-Prince est passablement laborieuse, vu les sempiternels embouteillages dans le bas de la ville. Passé Carrefour, la circulation se fera tout naturellement plus fluide.

Il faut tout de même que nous soyons interpellés à un barrage policier, juste avant de prendre la route nationale. Le jeune agent demande à Verly ses papiers d’assurance, son permis de conduire, etc. La routine habituelle, quoi! Soudain, son regard croise le mien, son visage s’illumine et il signale à Verly de se ranger sur le bord de la route. Échaudé par toutes mes précédentes expériences avec la police, en Haïti ou ailleurs, j’anticipe instinctivement le pire… même si l’officier nous sourit. Notre chauffeur obtempère.

« J’étais à la Pléiade lors de votre intervention en librairie, » m’annonce alors fièrement le policier qui du coup reconnaît aussi David et Michèle. « J’ai beaucoup apprécié la présentation, » ajoute-t-il avant de nous informer qu’il est lui-même poète.

La scène est surréaliste, à tout le moins. L’agent de police se met à déclamer quelques-uns des poèmes de style slam, qu’il compte enregistrer bientôt. Flic le jour, poète la nuit : le type mène en quelque sorte une double vie, à l’instar des justiciers masqués des bandes dessinées qui ont marqué mon enfance. Nous sommes bouche bée.

Au moment de nous laisser reprendre la route, l’officier nous rappelle d’embrasser l’étincelle divine en chacun de nous. « Jésus vous aime, » renchérit-il.

« Oui, même toi, David, » lancé-je sur le ton de la rigolade à mon ami juif assis à l’avant.

July 17th, 2015
Catégorie: Événements, Nouvelles, Réflexions Catégorie: Aucune

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