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Les carnets web de l'écrivain Stanley Péan

Haïti 2015 (bis) – Interlude

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« Mister Homel, voudriez-vous entendre une histoire à la O’Henry? » lui dis-je en lui tendant le couteau que je viens d’aller chercher à la réception pour trancher la lime dont il aromatise son rhum.

« Go ahead. »

Comme convenu, David et moi prendrons l’apéro sur la terrasse du Beau Rivage, après une sieste plus que nécessaire. Au sortir de la pharmacie, Laura, lui et moi avions flâné dans les rues du vieux quartier, à la recherche d’une librairie où dénicher quelques cartes postales pour elle, d’une boutique d’artisanat aussi pour y trouver quelques cadeaux. Puis après être retournés chez Éva, pour confirmer d’autres rendez-vous familiaux, nous avions opté pour un café à l’ombre pour le lunch.

« Chalè pòkò kraze w? » avait voulu savoir mon oncle Charles.

Oh que oui! La chaleur m’accablait depuis le matin. À midi, j’étais en nage et franchement indisposé.

À la déception de Laura, j’avais choisi de reporter l’éventuelle visite à Milot, pour y voir les ruines du palais Sans Souci et la majestueuse citadelle La Ferrière à un prochain séjour au Cap. Déjà, le temps commençait à nous manquer pour les activités et rencontres en ville. Et ni David ni moi ne nous sentions la force de monter sous le matraquage du soleil le sept kilomètres de sentier en pente raide jusqu’à la forteresse Vauban construite sous le règne du Roi Christophe. Bien sûr, avait fait valoir ma fille, nous aurions pu monter à dos de mule ou de cheval, mais encore là ni David ni moi ne pratiquions l’équitation et ça n’aurait rien changé à la chaleur suffocante de cette journée de juillet.

Alors tant pis, deuxième déception pour Laura (elle aurait aimé faire le pèlerinage à Saut d’eau que nous recommandait Bertrand, la semaine dernière, mais ç’aurait supposé me défiler de mes responsabilités par rapport au festival Libérez la parole). En guise de compensation, tout de même, la promesse d’un autre voyage en Haïti…

Rentrés à l’hôtel pour une petite pause en attendant l’heure de ma rencontre avec mes cousins Emma à la Société capoise d’Histoire et de protection du patrimoine, je suis descendu à la réception après ma sieste pour emprunter un couteau.

« Vous savez, vous me rappelez beaucoup quelqu’un que j’ai connu… »

« Ah bon? Qui donc? »

Nous sommes en Haïti, pas au Québec, alors aucun danger qu’on me resserve cet air de famille inexistant avec mon ami Laferrière.

« Je trouve que vous ressemblez à Marc Péan. »

J’ai approuvé d’un hochement de tête : ce n’est pas la première fois qu’on évoque ma ressemblance avec ce frère de mon père, historien du Cap à qui l’on doit les ouvrages L’Illusion héroïque et L’Échec du firminisme.

« C’est possible. Marc Péan était mon oncle, » ai-je répondu à la jeune femme.

« Eh bien, moi, c’était mon grand-père! »

Estomaqué, j’avais alors regardé de la tête aux pieds la demoiselle toute menue qui allait ajouter une précision: « Je m’appelle Amanda Péan, je suis la fille d’Henri Péan. »

L’ébaudissement et la fatigue m’ont fait hésiter, incapable de me souvenir d’un fils de Marc prénommé Henri. Normal : dans ma famille, parce que les cheveux avaient poussé très tardivement sur sa tête de nourrisson, on avait pendant longtemps surnommé mon cousin Yul, en référence à Yul Brynner. La fille d’Henri, rencontrée par hasard dans un hôtel réservé par internet : que dire de cette coïncidence digne d’un roman de Paul Auster ou d’une nouvelle d’O’Henry?

Après bise et étreinte de mise compte tenu de la circonstance, je suis remonté à la terrasse en riant tout bas.

Retrouvailles inattendues de deux cousines éloignées

Retrouvailles inattendues de deux cousines éloignées

July 22nd, 2015
Catégorie: Événements, Nouvelles, Réflexions Catégorie: Aucune

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