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Les carnets web de l'écrivain Stanley Péan

En souvenir du Mèt (vingt ans déjà…!)

Ce n’était qu’une question de temps avant que j’y arrive, d’autant plus que j’y ai pensé toute la semaine. Je parle de mon père, Mèt Mo, emporté prestement par le cancer du pancréas le 12 novembre 1987 (deux semaines après l’annonce du diagnostic). Avec Gilles Archambault qui recueillait mes «Confidences d’écrivain» au Carrefour Desjardins du Salon du livre de Montréal jeudi soir dernier, puis avec Maggie Métellus qui me recevait à l’antenne de CPAM – Radio-Union, la radio haïtienne montréalaise en fin de soirée hier, j’ai évoqué la figure de ce disparu omniprésent. Et comme à tous les salons du livre partout dans la province, bon nombre d’ex-étudiantes et d’ex-étudiants à lui sont venus me demander si j’étais le fils de Maurice Péan, ou simplement me saluer quand elles ou ils connaissaient déjà la réponse.

Maurice Péan. Mèt Mo. Feu mon père.

Il n’y a pas de réels hasards ou il sont si peu nombreux, rarement réjouissants. Mon père s’est éteint quelques jours avant les élections haïtiennes de novembre 1987, que la junte s’est chargée de faire virer au bain de sang. En un sens, c’était mieux ainsi: lui qui avait rêvé de son retour au pays natal pour cette retraite qu’il a en définitive pas prise, enfin pas sur ce versant du réel, il valait mieux qu’il n’ait pas eu à souffrir sur son lit de mort le spectacle de cette nouvelle débâcle de violence. Il s’était également éteint à quelques jours de la sortie pour le Salon du livre de Montréal de Meilleur avant 31/12/99, le premier collectif des éditions du Palindrome, auquel j’avais participé aux côtés de Jean Désy, Nando Michaud, mon cousin Charles Manigat, Sylvie Moisan et quelques autres collègues. Le Destin (en autant qu’il existe) aura décidé que mon père ne verrait jamais ce livre, qui a marqué le début officiel de ma carrière d’écrivain, ni les autres qui ont suivi. Sur son lit d’hôpital pourtant, à quelques jours de la fin, il m’avait présenté à un collègue de la polyvalente en ces termes pétris de fierté manifeste: «C’est Stanley, mon fils écrivain.»

À partir de l’adolescence, mes rapports avec Mèt Mo n’avaient pas été des plus faciles. Personnage colérique et soupe-au-lait que j’aime désormais décrire comme une version créole de ceux que jouait Louis de Funès dans la plupart de ses films, il avait incarné à mes yeux la quintessence de la figure paternelle autocratique à l’haïtienne. Pourtant, je garde de lui bien des souvenirs chers et poignants. Et parmi ceux-ci, les plus chers sont ces dimanches après-midis à regarder Apostrophes à la télévision française, en discutant de la valeur de tel ou tel écrivain invité sur le plateau. Quelle guigne, quand même, de n’avoir même pas pu rencontrer le week-end dernier Bernard Pivot, pourtant de passage à Montréal pour le salon du livre! J’ai l’impression d’avoir encore râté une occasion de faire un petit velours à Mèt Mo, à qui je dois en grande partie ma passion de la littérature. Misère.

Plus qu’une journée, donc, de ce salon où l’on soulignait notamment mes vingt ans d’écriture. Malgré les séquelles de la grippe et la fatigue, courage, mon Stan. En souvenir du Mèt…

November 19th, 2007
Catégorie: Commentaires, Réflexions Catégorie: Aucune

4 commentaires à propos de “En souvenir du Mèt (vingt ans déjà…!)”

  1. Miléna a écrit:

    Très touchant. Vraiment.

  2. Nadia a écrit:

    C’est un très bel hommage à ton père, très touchant… Et d’avoir été sacré écrivain par ton paternel, c’est un fichu bel héritage.

  3. Pierre a écrit:

    Salut Stan,

    Il me manque beaucoup aussi. Te dire comment je peux penser à lui dans une année ne serait pas calculable. En te lisant, une tres grande partie de ma vie me revient en mémoire. Je ne l’ai pas oublié et toi aussi. À la revoyure…. peut-être.

  4. Stanley Péan a écrit:

    Salut Pierre,

    Eh bien, pour une surprise, c’est toute une surprise! Je suis content que tu m’écrives ici, même en la circonstance; il y a après tout un bail que nous ne nous sommes pas croisés. Comment vas-tu? Et la famille?

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