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Les carnets web de l'écrivain Stanley Péan

Chicago, ville sans vent

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« Il ne vente tant que ça, » me fait remarquer Philou Premier (c’est désormais ainsi que mon fils veut que je l’appelle), pince-sans-rire, quoique accablé par le soleil ardent.

Mini-moi a raison, mais je l’avais averti. En cette saison surtout, il règne une chaleur torride à Chicago, à croire que Jean Baptiste Point du Sable, le pionnier mulâtre qui avait fondé la ville, avait apporté dans ses effets personnels un peu du soleil de la colonie de Saint-Domingue où il avait vu le jour. Né en novembre 1750 à Saint-Marc, d’un père français et de mère noire (probablement esclave), Du Sable avait quitté son île une vingtaine d’années avant la révolution haïtienne pour établir un poste de traite à l’embouchure de la rivière Chicago avec son épouse potawatomi, Kittihawa (Catherine). Incorporé en tant que ville en 1833, le modeste hameau de  sur les rives du Lac Michigan se développerait jusqu’à acquérir le statut de troisième ville en importance des États-Unis.

Pourquoi Chicago? m’a-t-on demandé. La raison en est fort simple. Au lendemain de la mort de Robin Williams, j’avais fait voir à mon fils quelques épisodes de la série The Crazy Ones, qui s’y déroulait. Et Philippe avait été charmé par la ville, théâtre de quelques scènes assez cocasses de la sitcom. Sachant que je l’avais moi-même adorée à mon précédent voyage, il avait fait le souhait de la visiter un jour avec moi. Et j’avais promis…

Nous avons pris le bus près de l’hôtel, puis le train de banlieue de la ligne bleue qui chemine sans trop de hâte de Forest Park vers le centre-ville. « J’aimerais bien qu’il atteigne la vitesse d’un escargot, » avait commenté Philippe, impatient. « Comme ça, on arriverait plus vite. » Nous y sommes arrivés, tout de même, un peu avant onze heures. Descendus à Washington Station, au coeur du Theatre District, nous marchons en direction du Millenium Park, passons devant la majestueuse bibliothèque publique au coin de Michigan Avenue. C’est bizarre comme je retrouve facilement mes repères.

« Tout près d’ici, il y a la fameuse boutique de bandes dessinées de superhéros dont je t’ai parlé. »

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Phil est d’avis qu’on pourrait d’abord y faire escale. Bien entendu. La librairie Comics ouvre dans sept minutes. Nous y flânons quelques minutes, le temps pour Phil de se laisser tenter par une figurine de Zoë Washburne, son personnage préféré dans la série Firefly. J’hésite à la lui acheter, la trouvant passablement chère. D’ici à ce je prenne la décision, nous allons explorer les abords du Millenium Park : de nouvelles sculptures érigées depuis mon précédent passage ici, l’impressionnante Crown Fountain, l’auditorium Jay Pritzker et, surtout, la Cloud Gate (mieux connue sous son surnom de « Fève » en raison de sa forme).

En vrais vacanciers, nous prenons quelques photos, mais Philou a très soif et un peu faim. Nous cassons la croûte à l’ombre d’un parasol du Park Grill, attrape-touriste s’il en est un. Je capitule et m’engage à acquérir la figurine de Zoë après le repas, avant de poursuivre notre promenade. Il faut lever les yeux, dis-je à mon fils, et apprécier l’architecture exceptionnelle de cette ville où est né le concept du gratte-ciel. Tout là-haut, un petit avion traîne derrière lui une bannière publicitaire pour les condoms Trojan, qui nous amuse Phil et moi. Je songe à ce printemps, déjà lointain, où j’avais sérieusement envisagé de faire circuler par ce biais une déclaration d’amour dans le ciel de Montréal. Héboboy…

Nous errons dans le Theatre District, prenons des photos, cherchons en vain une casquette pour Phil qui se plaint de la chaleur. Je lui fais remarquer qu’il n’aurait manifestement pas tenu le coup en Haïti. Nous traversons à pied le Michigan Avenue Bridge, en direction du Magnificent Mile. Au rez-de-chaussée de l’Inn of Chicago, où Véro et moi logions, je retrouve le café italien doublée d’une gelateria généreuse en succulentes glaces. Nous y prendrons une pause bien méritée par mon fils, qui en profite pour examiner son nouveau jouet tout en dégustant son cornet de sorbet au citron.

Philippe@InofChicago

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J’avais raconté à Phil la légende (inventée par moi) du « démon des trottoirs », une supposée créature maléfique digne de la série Supernatural qui hantait le béton et faisait trébucher constamment Véro. À peine ai-je le temps de lui rappeler cette histoire qu’une jeune fille trébuche à quelques mètres de nous. Ni lui ni moi ne pouvons nous empêcher d’éclater de rire…

Après une dernière escale au Whole Food Market, l’épicerie bio de ce coin de la ville, nous reprenons le chemin de Washington Station. Exténué par la chaleur, Mini-moi n’a pour seule ambition que de rentrer à l’hôtel et relaxer un peu. Je sais bien qu’il a surtout hâte de déballer sa Zoë.

« Sur Skype, tu pourras raconter à ta sœur et à ta mère que tu as vu le spectre de Sinatra en plein milieu de Michigan Avenue chanter : Chicago, Chicaaago, that toddlin’ town… »

« Pourquoi je leur dirais ça? C’est même pas vrai… »

Mon pauvre fiston : tu ne seras donc jamais romancier…

August 3rd, 2015
Catégorie: Événements, Nouvelles, Réflexions Catégorie: Aucune

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