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Les carnets web de l'écrivain Stanley Péan

Acculturation et refus de soi

En raison d’un engagement antérieur, je viens de décliner une invitation à participer à l’émission Ici et là, qu’anime Pierre Thibeault, rédacteur en chef de l’hebdomadaire Ici à l’antenne du canal Vox. Dommage, parce que le thème («Les politiques s’intéressent-ils à la culture?») m’intéressait et que mon ex-homologue de l’Union des artistes, Pierre Curzi, aurait été mon vis-à-vis dans le débat. Cela dit, pour la première fois hier, j’ai visionné ladite émission, l’édition du 23 mars dernier qui portait sur la sempiternelle question de la place de la littérature québécoise dans le parcours académique des jeunes d’ici. Faut-il ou non privilégier notre littérature? se demandaient Thibeault, les membres de son équipe (Claude André, Évelyne Côté et Nelly Arcan) et ses invités, l’écrivain François Avard, l’auteur-compositeur-interprète Alexandre Belliard et ce feu-follet médiatique nommé Jean Barbe.

Dans cette discussion assez confuse et plutôt mal modérée par l’animateur, seul Claude André a essayé d’articuler une réflexion pertinente sur le sujet. Hélas, comme la plupart des panellistes, il a vu ses interventions interrompues / court-circuitées de manière systématique et impolie par l’imbuvable Barbe, toujours aussi pompeux et complaisamment assis sur les poncifs, les syllogismes et les raccourcis de la pensée qui chez lui tiennent lieu de réflexion. Misère. Ainsi, à en croire ledit feu-follet, le désir de voir la littérature d’ici occuper une plus grande place dans nos écoles relèverait d’une simple volonté de certains éditeurs de vendre davantage de livres aux institutions — une affirmation pour le moins grossière qui fait délibérément abstraction du fait que certains gros canons de notre littérature, certains de nos «classiques» qui de l’avis général mériteraient d’être davantage étudiés par les jeunes (Jacques Godbout, Anne Hébert, Réjean Ducharme ou encore le controversé Mordechai Richler en traduction, tiens, pour n’en nommer que quelques incontournables) ont en fait été édités en France.

À ma connaissance, il n’existe guère au monde de nation où le fait de privilégier sa propre culture, sa propre littérature et toute sa littérature, pas juste les oeuvres contemporaines (sans pour autant exclure les autres, et certainement pas la Française avec laquelle la Québécoise a des liens historiques car il n’a jamais été question de cela), est vu comme une marque de repli identitaire et de chauvinisme. Mais bon, pour en arriver à faire comprendre cela, il faudrait d’abord décoloniser les esprits, sortir de l’acculturation et du refus de soi.

April 2nd, 2008
Catégorie: Commentaires, Réflexions Catégorie: Aucune

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