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À propos de pauvreté

anthony-phelps

J’ai reçu ce matin une lettre ouverte signée de la main du poète Anthony Phelps, à propos d’Haïti et de la formule consacrée qui lui est systématiquement accollée du même souffle dès qu’il est question de ce tiers d’île au destin tourmenté. Je m’empresse de la partager avec les lecteurs et lectrices de mon blogue.

Le plus pauvre du monde

À mes ex-consœurs et confrères de Radio-Canada,
Également à ces jeunes journalistes de la salle des nouvelles TV et Radio,

Depuis un peu plus d’une année, je me sens agressé par ceux et celles qui furent des confrères, des consœurs, à Radio-Canada, également par des nouveaux venus, qui, dans leurs nombreuses interventions sur Haïti, ne ratent pas l’occasion de le qualifier de « pays le plus pauvre du monde. »

Bien sûr, il s’agit d’une réalité dont je ne saurais contester la véracité. MAIS, dites-moi, pourquoi telle insistance? Pourquoi, chaque fois nous lancer cette phrase au visage? Haïti, le pays le plus pauvre du monde.

Si moi je me mettais à claironner sur toutes les places publiques, si je pouvais intervenir dans tous les bulletins de nouvelles du monde, en soulignant que le Québec a prouvé qu’il est le seul pays au monde, où les hommes n’ont même pas le courage, ne serait-ce que de voter pour leur indépendance. Comment réagiriez-vous?

Comment vous sentiriez-vous devant telle vérité systématiquement assénée ? Le Québéc ce pays où l’homme a peur de voter pour son indépendance.

J’en ai ras le bol de vous entendre dire, avec contentement, qu’Haïti est le pays le plus pauvre du monde, alors que grâce à ce pays le plus pauvre du monde, le Québec a pu:

1 – mettre en place son nouveau système de soin de santé, dans les années 70, avec l’arrivée de plusieurs dizaines de médecins et d’infirmières venus d’Haïti.

2 – réaliser sa réforme de l’éducation, les cegep, grâce aux dizaines de professeurs et professeures, venus de ce pays le plus pauvre du monde.

3 – implanter sa deuxième université de langue française, les UQ, grâce aux professeurs haïtiens.

N’avez-vous pas honte d’avoir accepté ces intellectuels, ces médecins, infirmières, professeurs, dont vous n’avez pas financé la formation? Ces femmes et ces hommes, venus du pays le plus pauvre du monde, ont formé nombre de vos enfants. Soigné tant de vos malades ? Encadré combien d’universitaires?

S’il vous plaît, auriez-vous l’extrême reconnaissance, lorsque vous parlez d’Haïti, de ne plus lui coller cette étiquette méprisante : le pays le plus pauvre du monde?

Un grand merci et splendide nouvelle année 2011.

Anthony Phelps, poète
Un ancien de la salle des nouvelles TV de Radio-Canada.

February 17th, 2011
Catégorie: Commentaires, Lectures Catégorie: Aucune

5 commentaires à propos de “À propos de pauvreté”

  1. Sylvie L. Drapeau a écrit:

    En voilà un qui ne parle pas pour rien dire…

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  2. Sonia Léontieff a écrit:

    Merci Stanley pour cet intéressant témoignage. je partage…

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  3. Jean Vaugeois a écrit:

    J’ai eu l’occasion de recevoir l’enseignement de ces gens qui ont fuit le régime Duvalier et qui ont eu à coeur de s’intégrer à la communauté d’acceuil et d’y mettre en oeuvre leurs compétences.

    Cependant le mot “GRÂCE À” est un peu excessif… Je dirais plutôt avec le contribution.

    Pour ce qui est du qualificatif “pays le plus pauvre du monde” moi aussi j’en ai marre. De plus, concernant les hommes incapables de voter pour leur indépendance, c’est en partie vrai. Comme disait si bien Parizeau ce référendum a été perdu par l’argent et des votes ethniques. Enfin, je considère ce texte comme un cri du coeur qui devrait davantage être entendu et peut-être que je pèse des chiures de mouche dans des balances de toile d’araignée comme disait “l’enfant terrible”.

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  4. the Ubbergeek a écrit:

    @Sylvie

    Une réalité sombre et froide; le ‘brain drain’ des gens instruits et tout des pays pauvres vers le pays riches.

    Certains y voient un ‘vol’ du ‘néocolonialisme’; parce qu’aux lieu de rester et aider leurs pays, ils partent pour ‘s’enrichir/gagner leur pain dans nos contrés. Bon, les libertariens et cie vont rétorquer alors, ‘liberté de choix’….

  5. Etienne NOGNENG a écrit:

    Je partagerais presque le point de vue du poète Anthony Phelps… J’ai déjà connu les mêmes ressentiments dans les mêmes circonstances et même quand il ne s’agissait pas toujours d’Haïti. Il est vrai, je suis africain, ceci pouvant expliquer celà.

    Je nuancerais néamoins ma réaction par rapport à celle du poète du moment où je reconnais une certaine “vérité” dans ce qui est dit; d’ailleurs lui non plus ne le conteste pas !

    Bien plus que l’acharnement que condamne légitimement le poète, je condamnerais surtout la demi-vérité que véhiculent, non pas seulement les médias du Québec, mais tous les médias occidentaux: Haïti n’est pas le pays le plus pauvre du monde, il est le pays le plus appauvri du monde!

    Tout est dans la sémantique et ne dépend que de ce qu’on veut nous faire comprendre.

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