stanleypean.com


Les carnets web de l'écrivain Stanley Péan

Jour 7: Le coeur de Frédéric

Six heures de train, c’est long. Surtout dans ces vieux trains pas trop confortables qui, comme l’hôtel où nous avons presque dormi, évoquent les vieux thrillers des années 50 et 60. On se croirait chez Hitchcock en noir et blanc ou dans l’un des James Bond originaux, avec Sean Connery. Kuba Séguin et moi nous sommes levés avant le soleil pour être à la gare à temps. Comble de la malchance, il n’y a rien d’ouvert, pas moyen d’acheter ne serait-ce qu’un café et le petit train n’a pas de service de restauration. En courant comme un fou dans les environs, Kuba a réussi à trouver je-ne-sais-où deux gros sacs de chips qui constitueront notre petit déjeuner très santé. Après ça, comment ferai-je pour refuser des chips à mon Phil un samedi matin en écoutant Nikita avant le dîner…?

J’alterne entre la photo amateur avec mon Galaxy SII, un brin de jasette avec mon compagnon, l’écriture de ma nouvelle qui prend de plus en plus forme. Et le sommeil, malaisé. Enfin, à Varsovie, nous débarquons sur le quai où se trouve la guide et interprète que nous a assignée le gouvernement polonais, Agnieszka. Difficiles à manquer, le gros noir et le trompettiste chargés de bagages trop lourds. Dehors, une Mercedes-Benz de fonction et un chauffeur nous attendent. Direction, le Mercure Grand de Varsovie.

Agnieszka nous laisse quelques heures de répit, pour prendre possession de nos chambres, nous laver, casser la croûte; elle viendra nous cueillir à 15h00 pour une visite guidée du patelin de Chopin. Les chambres ici sont modernes, très design; tout un contraste avec certains quartiers que nous visiterons tout à l’heure: celui que les Nazis avait épargné de la destruction généralisée ordonnée par le Führer parce qu’ils y habitaient; le Vieux Varsovie, entièrement reconstruit après la guerre avec l’idée de reproduire le plus fidèlement ce que la dynamite allemande avait jeté par terre; le Praga, dont Roman Polanski avait fait le décor de son film Le Pianiste, étant donnée l’annihilation totale du vrai ghetto juif encore une fois sous ordre de Hitler. La visite est fascinante, vraiment. Native de cette ville-Phénix qui a su renaître de ses cendres après avoir été démolie à 84%, Agnieszka connaît bien sa ville et, surtout, sait la raconter. En marchant dans les somptueux jardins du coeur de la ville, elle nous parle avec abondance du règne de mon quasi-homonyme, Stanislas II Auguste (de son vértable nom, Stanisław August Poniatowski), chouchou de Catherine de Russie, qui fût le dernier roi de la Pologne indépendante « par la grâce de Dieu et la volonté du peuple ».

Elle nous parle aussi, beaucoup, de Frédéric Chopin, qui fait figure de héros national; de toute évidence, son spectre hante encore les rues de la ville dont le coeur semble battre à l’unisson avec sa musique. Et pour cause: dans le quartier qu’habita la famille du compositeur franco-polonais, le long d’un parcours touristique qui lui est consacré, on a installé des bancs publics « musicaux » qui diffusent à la pression d’un bouton certaines de ses oeuvres pour piano. Mieux encore, dans un pilier de l’Église de la Sainte-Croix, elle aussi dynamitée par les Nazis puis reconstruite d’après les images d’un peintre italien, le coeur de Chopin, rapatrié clandestinement par sa famille, repose dans un sépulcre. À ce qu’il paraît, l’un des officiers allemands chargé de la destruction de l’église aura permis au prêtre de récupérer le coeur du compositeur.

Ces histoires, ces images ont de quoi saouler le promeneur ébaubi. Kuba, qui a visité souvent cette ville quand il était gamin, les connaît pas mal toutes. Moi, je découvre, ébaubi… et un peu transi par le froid, inhabituel pour cette période de l’année. Il nous faudrait bien nous hâter de faire quelques courses (coquet, j’ai décidé que je voulais un manteau en feutre comme celui de Kuba), rentrer à l’hôtel et nous préparer pour notre dîner en compagnie du violoniste Michal Urbaniak. Hélas, le légendaire musicien, indisposé, nous fait savoir par messagerie qu’il ne pourra se joindre à nous et que cet entretien devra être reporté à une date ultérieure. Qu’à cela ne tienne: Katarina, une amie de Jacques récemment installée à Varsovie se joindra à lui, Agnieszka et moi pour le repas dans un sympathique petit resto italien voisin du Mercure Grand.

March 24th, 2013
Catégorie: Commentaires, Événements, Réflexions Catégorie: Aucune

Un commentaire à propos de “Jour 7: Le coeur de Frédéric”

  1. Claire Martin a écrit:

    La Pologne! Quel beau pays! Tant de bons musiciens! J’espère qu’ils auront l’occasion de passer par Cracovie, superbe ville médiévale.

    Transmis via Facebook.

≡ Soumettez votre commentaire