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Les carnets web de l'écrivain Stanley Péan

Nou pap bliye nou

«On n’est pas près d’oublier,» me disait tout à l’heure le chauffeur de taxi, un Haïtien, en guise de conclusion à notre bref échange sur la catastrophe que l’on sait. À Port-au-Prince, ses soeurs s’en sont tirées indemnes, mais leurs maisons sont désormais inhabitables. Avec la saison des pluies qui approche, des millions de sans-abris feront bientôt l’expérience d’un nouveau calvaire. Et malgré la parade des chefs d’État occidentaux qui promettent un appui indéfectible et viennent s’afficher en sauveurs de la nation, déjà la place d’Haïti au palmarès des priorités médiatiques n’est plus ce qu’elle était il y a un mois. Une inquiétude persiste: que la formidable solidarité dont on fait preuve les citoyens et citoyennes du monde entier aille en s’amoindrissant, à la faveur d’autres préoccupations. Que dire du devoir de mémoire?

En visitant le site île en île, que tient toujours héroïquement Thomas C. Spear de la Columbia University, je suis tombé sur «Au pays des songes et des mensonges», poème de Marlène Rigaud Appolon qui m’a touché, et dont voici un extrait:

Au pays des songes et des mensonges,
On dort un oeil ouvert, un oeil fermé
Et le coeur battant, battant à éclater.

Au pays des songes et des mensonges,
Les mères ne chantent plus «Dodo, titit, krab nan kalalou»
Car, aujourd’hui, les crabes mangent les petits enfants
Dans leur sommeil.

Au pays des songes et des mensonges,
Ce que les yeux voient
Ce que les oreilles entendent
La bouche n’ose répéter.

Au pays des songes devenus mensonges,
Et des mensonges devenus Vérité
A force d’être répétés,
L’inimaginable est désormais l’ordinaire.

À lire et à méditer également sur le site Potomitan, cet autre texte de la même auteure écrit au lendemain du séisme: «Manman, pa kite yo koupe janm mwen! (Maman, ne les laisse pas me couper la jambe!)»

February 18th, 2010
Catégorie: Lectures, Réflexions Catégorie: Aucune

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