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Les carnets web de l'écrivain Stanley Péan

Les droits moraux, les moeurs, la morale et la moralité

Tiens, les choses se corsent dans l’Empire Quebecor Media. Sans doute parce qu’elle anticipait les conflits de travail qu’on devinait à l’horizon, mais aussi parce que voici les nouvelles moeurs de l’entreprise, la direction des Publications TVA insiste depuis un moment déjà pour que les pigistes à l’emploi de ses divers périodiques (pardon, des «fournisseurs de services») signent un contrat de renonciation rétroactive de tous droits d’auteur et les droits moraux sur leurs écrits, contrat qui permet à Quebecor Media d’utiliser les dits textes sur toutes ses plateformes, sans rémunération supplémentaire, sans limitation dans le temps ou dans l’espace et qui permet aussi de les «adapter» aux normes de l’entreprise selon le bon gré de ses dirigeants. Jetez-y un coup d’oeil: je vous jure, c’est un véritable chef-d’oeuvre dans les domaines du contrat d’adhésion (pourtant réputés illégaux au Québec) et de la négation même de l’idée de propriété intellectuelle, que l’Association des journalistes indépendants, la Fédération professionnelles des journalistes du Québec et l’Union des écrivaines et écrivains québécois (présidée par moi) ont dénoncé unanimement.

Mon pote Michel Vézina, qui oeuvrait comme chroniqueur culturel à l’hebdomadaire Ici depuis bientôt sept ans, n’a jamais signé cette entente. Même sous la menace implicite de ne plus voir ses textes paraître dans les pages du journal — ou devrais-je dire, la menace qu’on n’y requière plus ses services, pour reprendre la nouvelle locution à la mode. Eh bien, le couperet est tombé cette semaine. Vézina a appris par la bouche de l’éditeur de l’hebdomadaire, Sylvain Prévate, que sa 299e chronique, à paraître demain, serait la dernière puisqu’«il aurait fait le tour». Qui plus est, la chronique paraîtra dans une forme abrégée des quelques dernières phrases qui servaient à expliquer son départ. Sans doute Prévate s’attendait-il à ce que Vézina parte sans faire de bruit. Ce ne sera manifestement pas le cas. Déjà, Steve Proulx du Voir s’est emparé de l’affaire et je suis prêt à parier que dans les prochains jours on en entendra abondamment parler sur bien des plateformes médiatiques… à condition bien sûr qu’elles ne soient pas la propriété de Quebecor Media!

Et pendant ce temps-là, dans mon patelin saguenéen de Jonquière, les employés de l’hebdomadaire Le Réveil sont également menacés de lock-out…

La moralité, c’est qu’il y a décidément quelque chose de pourri dans l’Empire, conclurai-je en paraphrasant Hamlet.

January 28th, 2009
Catégorie: Commentaires, Lectures, Réflexions Catégorie: Aucune

Un commentaire à propos de “Les droits moraux, les moeurs, la morale et la moralité”

  1. Gilles Herman a écrit:

    Je n’avais pas suivi cette saga du contrat Quebecor, sa lecture me laisse (presque) sans voix.

    Bravo à Michel Vézina pour son intégrité. Le pouvoir est maintenant dans les mains (ou le portefeuille) des lecteurs. L’Empire, tout puissant soit-il, n’est pas encore incontournable. Mais pour combien de temps ?

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