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Les carnets web de l'écrivain Stanley Péan

Le dernier mot

En compagnie de David Homel, de Josée Lareau et de la charmante Elixire, j’ai assisté à la première du Dernier Mot, ce documentaire d’Antoine Laprise sur et avec Robert Lévesque, qu’on présentait hier soir au Théâtre d’Aujourd’hui. Avec cet humour caustique qui lui est propre, l’incorrigible Lévesque nous faisait remarquer que bien avant de s’imposer comme un haut-lieu de la création dramatique montréalaise, les murs de cette institution de la rue Saint-Denis avaient abrité… un cinéma porno! Il y avait de quoi sourire à l’idée que le premier film à y être projeté depuis des années soit ce moyen métrage retraçant la carrière de mon ex-collègue de Bouquinville comme critique théâtral, dans les pages du Devoir puis de l’hebdomadaire montréalais Ici.

Plus impressionnant par son propos que par sa facture somme toute assez convenue, le film destiné à la télévision retrace en un peu plus de trois quarts d’heure la vingtaine d’années où Robert Lévesque a été la bête noire du milieu théâtral québécois, cédant la parole au critique mais aussi à divers représentants de cette faune : les metteurs en scène Brigitte Haentjens, Claude Poissant, Alice Ronfard, Jean-Claude Germain, René Richard Cyr (pathétique dans sa détestation de Lévesque) et Robert Lepage; les comédiens ou comédiennes Paul Savoie, Gilles Pelletier et Marie Tifo (particulièrement émouvante quand elle évoque le premier papier de Lévesque portant sur elle); et le dramaturge Michel Marc Bouchard. Le cinéaste fait état de la pétition signée par une centaine de représentants du milieu en 1984, appelant au boycott du Devoir, à l’affaire regrettable du fameux «Fantôme du Devoir» qui avait saboté quelques papiers publiés dans le pages du quotidien et enfin à la «guerre» qui opposa les deux Robert, Lévesque et Lepage (et, hélas pour lui, l’enfant prodige de notre théâtre ne ressort pas grandi de son témoignage, empreint de condescendance non pas pour son ennemi mais pour son public).

Sans compromis, le film de Laprise pose des questions fondamentales sur la fonction du critique au Québec, sur nos petits réflexes villageois de complaisance à l’égard des membres de la famille, sur la liberté de blàmer pour reprendre un terme cher à Lévesque. Il est aussi une illustration de la raison pour laquelle malgré cette supposée méchanceté, cette intrangiseance qu’on lui a tant reproché, Lévesque demeure une figure incontournable de notre paysage culturel. Son érudition (ridiculement remise en doute par Lepage), sa rigueur intellectuelle, son attachement à l’Art avec un grand A et son écriture flamboyante font de lui un spécimen rare et d’autant plus indispensable, qui n’a hélas jamais eu d’interlocuteur valable tant dans les rangs de la critique que parmi ces artisans du théâtre qui préféraient ne pas lui répondre alors qu’il les invitait au dialogue.

Le Dernier Mot sera diffusé à l’antenne de la télévision de Radio-Canada le 8 juin prochain à 20h00. Un rendez-vous culturel à ne pas manquer, si vous voulez mon avis.

May 21st, 2008
Catégorie: Commentaires, Nouvelles, Réflexions Catégorie: Aucune

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