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Les carnets web de l'écrivain Stanley Péan

Jour 8: De l’amitié haïtiano-polonaise

Cet épisode historique fait désormais partie du folklore haïtien ; quand au tournant du XIXe siècle l’empereur Napoléon dépêcha vers la colonie de Saint-Domingue ses troupes sous la direction de son beau-frère le général Leclerc, il y avait parmi les légionnaires envoyés en campagne pour reprendre la moitié d’île et mater les esclaves récalcitrants cinq mille Polonais. La plupart de ceux-ci, plus de quatre mille, périrent sur le champ de bataille ou emportés par la fièvre jaune ; mais comprenant qu’il n’était que chair à canon et que jamais la France impériale n’allait permettre à leur pays de recouvrer son indépendance, un peu moins de deux cents d’entre eux changèrent de camp pour lutter aux côtés des soldats révolutionnaires nègres.

Si bien que dès la promulgation de l’Indépendance en 1804, Jean-Jacques Dessalines décréta les Polonais frères des Haïtiens, fit inscrire dans la première Constitution cette reconnaissance de la fraternité haïtiano-polonaise avec des articles stipulant qu’ils avaient droit de propriété territoriale et qu’ils pouvaient revendiquer et obtenir leur appartenance au peuple haïtien automatiquement.

Dans mon bouquin Taximan (2004), je raconte l’histoire de ce chauffeur de taxi polonais rencontré par hasard qui m’a présenté son passeport haïtien, obtenu sur demande, après être tombé amoureux d’une belle Jacmelienne qui par la suite lui brisa le cœur. C’est dire combien cette amitié entre Haïtiens et Polonais, à laquelle fait écho en quelque sorte mon propre lien avec Jacques Kuba Séguin, est toujours d’actualité. Elle est au cœur d’un des derniers romans de Roger Dorsinville, Ils ont tué le vieux Blanc, qui raconte le destin tragique d’un de ces descendants de légionnaires polonais qui élirent domicile à Casale ou à Fond-des-Blancs avec pour trame de fond l’élection présidentielle de 1987 qui vira au bain de sang, gracieuseté du général Namphy.

Dès qu’il a été question de ce voyage en Pologne, généreusement financé par le nouveau Consul général de la République de Pologne à Montréal, M. Andrzej Szydlo, j’avais émis le désir d’entrer en contact avec des gens ou des organismes qui entretenaient de quelque manière que ce soit ce lien historique méconnu par quiconque n’est ni Haïtien ni Polonais. C’est dans cet esprit que j’ai fait la connaissance ce matin de Zofia Pinchinat-Witucka, la charismatique présidente de la Fundacja Polska – Haiti, qui chapeaute des initiatives de coopération au pays de ses aïeux maternels. Cette très jeune organisation bénévole a vu le jour au lendemain du tremblement de terre de janvier 2010 ; Mme Pinchinat-Witucka et ses collègues ont beaucoup travaillé à la construction d’une nouvelle école primaire à Jacmel, qui devrait enfin accueillir les écoliers à l’automne.

Parallèlement à ce grand chantier, la Fondation a monté des expositions de photos et autres manifestations culturelles pour maintenir Haïti et son peuple dans la mire des médias polonais. Au cours de notre échange d’une heure environ, elle et moi avons esquissé d’éventuels nouveaux projets qui pourraient contribuer aux mêmes fins et permettre à la culture haïtienne et à ses ans de continuer de rayonner en Pologne.

*

Après cette rencontre fort stimulante à laquelle m’avait escortée mon interprète officielle, Beata Barszczewska, j’ai retrouvé Kuba à l’hôtel et nous sommes allés casser la croûte. Puis ce fut l’heure de notre rendez-vous avec le pianiste Andrzej Jagodziński et son batteur Czeslaw « Maly » Bartkowski qui tous deux jouent ensemble et enseignent le jazz à l’académie de musique Frédéric-Chopin, un entretien auquel je fais écho sur mon autre blogue.

En soirée, nous irons au Tygmont, un réputé club de jazz du centre-ville de Varsovie, où Kuba compte prendre part à la jam-session hebdomadaire, animée par le vétéran saxophoniste Waldemar Kurpiński, qui œuvre sur la scène polonaise depuis plus d’un demi-siècle, notamment au sein de New Orleans Stompers et des Novi Singers. Ça promet…

 

March 25th, 2013
Catégorie: Commentaires, Événements, Réflexions Catégorie: Aucune

Un commentaire à propos de “Jour 8: De l’amitié haïtiano-polonaise”

  1. Paul Wasilewski a écrit:

    J’ai lu cet article avec un très gros brin d’émoi. Un gros merci, Stanley ! (en polonais ton nom devrait se dire Staszek 🙂 phonétique: staschek) Je suis votre escapade en Pologne de très près et je suis ravi que ta découverte ne soit pas décevante.

    Je vous souhaite un excellent séjour en Pologne et un gros merci Stan pour tout ce que tu fais pour notre Kuba 🙂 Il le mérite bien. Mes salutations et amitié.

    Paul Wasilewski, Montréal
    http://kronikamontrealska.com/2012/09/15/polonia-w-haiticzyli-biali-murzyni-europy/

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