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Les carnets web de l'écrivain Stanley Péan

Jour 6bis: De l’ombre du Christ-Roi… au sillage de Kenny Garrett!

Nous avons quitté les environs immédiats de Zielona Góra à bord de l’autobus de midi trente en direction Gorzòw sous le regard bienveillant du Christ-Roi de Swiebodzin. Cette plus haute statue du Messie au monde m’avait littéralement accueilli à bras ouverts le jeudi soir précédent, avec cette magnanimité que l’on attribue d’ordinaire aux arbitres de soccer, selon la vieille blague que m’avait dès lors contée Jurek. Il me manquera, ce sympathique ours mal léché qui multiplie les bons mots et les gauloiseries d’une voix graveleuse et sur un ton pince-sans-rire. Kuba me résume les conseils que lui a donnés ce vieil ami de sa mère, pour la suite de sa carrière : aux dires de Jurek, mon ami tient quelque chose de vrai, de personnel qu’il aurait intérêt à développer en parallèle dans ses deux patries. Je ne peux qu’abonder dans le même sens.

Gorzòw partage avec Zielona Góra le titre et le statut de capitale de la voïvodie de Lubusz; sous le régime allemand, ce bourg portait le nom de Landsberg et se situe d’ailleurs à un jet de pierre de la frontière allemande – une proximité qui fait rêver ceux des musiciens de Kuba qui comptent profiter d’une pause entre le concert de ce soir et celui de Cracovie pour aller visiter Berlin. Parce que notre autobus dessert toutes les petites localités sur notre chemin, il nous faut mettre trois heures pour arriver à destination… alors qu’une centaine de kilomètres tout juste séparent les deux villes! Évidemment, avec mes allers-retours hebdomadaires entre Québec et Montréal, le trajet a pour moi quelque chose de quasi-rituel, de quasi-familier. À train de chenille, nous roulons sur de petites routes étroites, traversons villes et villages et j’en profite pour reprendre l’écriture d’une nouvelle amorcée à Charles-de-Gaulle jeudi midi.

De grands panneaux publicitaires à flanc d’immeuble annoncent le concert du saxophoniste de Kenny Garrett, qui se produisait à Gorzòw la veille. Même si toute l’équipe confesse un brin d’admiration pour le dernier grand saxophoniste issu de la smala de Miles, les membres d’Oddlot ne s’en laisseront pas pour autant imposer. D’autant plus qu’à ce nous confessent les amateurs, Garrett aurait joué un brin à la diva et n’aurait livrée qu’une performance somme toute moyenne. Kuba et ses hommes, quant à eux, sont dans une forme redoutable. Leur concert au Pod Filarami le sympathique jazz club dont le décor tient autant du pub que de l’église. L’ambiance n’est pas tout à fait celle, quasi-familiale, de la Piekarnia de Zielona Góra, mais nos hôtes se montrent chaleureux et le public réceptif. Après avoir hésité durant les tests de son, Jonathan Cayer a opté de jouer sur le Steinway du club, qu’il a mis à sa main avec doigté, disons. Je remarque que, comme à la Piekarnia, les thèmes qui puisent dans la tradition locale récoltent d’emblée l’assentiment du public d’ici. On a l’impression que les Polonais hochent silencieusement de la tête, reconnaissant l’appartenance de Kuba à leur tribu.

Promoteur de concerts depuis 1977, propriétaire et fondateur du Pod Filarami qu’il décrit comme son épouse numéro Un, Boguslaw Dziekanski ne cache pas son enthousiasme pour l’univers musical d’Oddlot. Autour d’un copieux repas servi après le concert (cigares au chou, pommes de terre à l’aneth frais – le tout arrosé de shooters de vodka), il nous parle d’abondance de ses années dans le monde du showbiz, des petites joies de fraterniser avec les Freddie Cole et les Kurt Elling de ce monde. En guise de remerciement pour avoir animé son club, il nous offre à Jacques et moi un exemplaire du volumineux et luxueux album qu’il a publié et qui retrace les grands moments de son aventure.

 

March 23rd, 2013
Catégorie: Commentaires, Événements, Nouvelles, Réflexions Catégorie: Aucune

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