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Les carnets web de l'écrivain Stanley Péan

Jour 6: Les vieux copains

Bon, pour une fois que je m’étais couché relativement tôt (23h30), me voilà réveillé par un fêtard qui gueule sur le trottoir sous la fenêtre de ma chambre parisienne. Après avoir été sérieusement harcelé gare du Nord par une SDF résolue à ne pas me laisser pas manger mon burger en paix si je ne lui donnais pas une pièce, j’avais échoué ce midi dans ce vieil hôtel du VIe que j’avais choisi presque par hasard — ou par pur narcissisme, compte tenu de son nom, le Stanislas. Le patron de l’établissement, un sympathique algérien d’un certain âge, et moi avions bavardé d’Obama et de littérature (il prétend avoir personnellement connu Camus), tandis que j’attendais qu’on libère la chambre.

Après en avoir pris possession, j’étais allé marcher sans but apparent, sous le soleil tapant d’un mois de mai qui se prend pour juillet dans les rues du XIXe, que j’avais arpentées il y a une vingtaine d’années en compagnie de mon exubérante tante Michèle à ma première visite à Paris. J’avais 24 ans à l’époque, avais pu découvrir un peu l’Europe à son invitation au fil de ces huit semaines passées à aller et venir entre son domicile de Klarenthal, près de la frontière franco-allemande, et mes destinations multiples: Côte d’Azur, Provence, Luxembourg, Moselle, etc. J’avais gardé Paris pour le dessert, puisque mon oncle Dieter et elle avaient proposé de m’y ramener en fin de séjour et de passer avec moi dans la ville-lumière les derniers jours de mon voyage. (Ce ne fut pas le cas, puisque, après une de ces colères soudaines contre son mari dont elle avait le secret, elle avait ramassé ses cliques et ses claques et le couple était retourné dans la Sarre et m’avait en définitive laissé seul à Paname.)

Elle aimait beaucoup la chanson française, Michèle, et il n’était pas rare que je la surprenne dans sa chambre de sa maison de Klarenthal en train de chanter à l’unisson avec Brassens, Brel ou Ferré, ou de les interpeller, les invectiver carrément, parfois les larmes aux yeux, émue par leur propos en musique. Je me rappelle notamment que c’était le cas avec l’album Les vieux copains, le dernier disque du vieux Léo.

Au son du jazz de Kurt Elling d’abord, puis de Ferré et Brel forcément, mille images me sont revenues de mes rencontres européennes avec mon oncle et ma tante, à Paris, au Mans, à l’abbaye de l’Épau, et finalement, il y a quatre ans, à Belfort (où je prononçais une conférence) et au Parlement des Graves du Vieux Bordeaux pour mon quarantième. Des moments cocasses ou dramatiques (parfois les deux), toujours émouvants. La vie, quoi!

Avec Dieter et Michèle, après ma conférence à Belfort (mars 2006)

Avec Dieter et Michèle, après ma conférence à Belfort (mars 2006)

Et je me repassais tout ça dans ma tête en déambulant sous le ciel de Paris, les écouteurs bien enfoncés dans les oreilles, en chemin vers mon rendez-vous avec mon marassa Michel Vézina, avec qui j’ai finalement dîné — oubliant un peu que j’avais sollicité par courriel un rendez-vous avec une copine brésilenne qui a vainement tenté de me joindre par Facebook!

Après le steak frites convenablement arrosé au fil d’échanges amusants avec nos voisins de table — un couple de Parisiens vite remplacés par un journaliste sportif de la télé américaine –, Vez et moi avons décidé d’un commun accord d’être raisonnables pour une fois et de rentrer à notre hôtel respectif. Nous aurons après tout le week-end entier pour festoyer. Je suis revenu au Stanislas en traînant un peu les pieds les pieds, en chantonnant tout bas du Ferré à la mémoire de Michèle, les larmes aux yeux. Maintenant mes courriels lus et mes autres échanges avec Montréal terminés, il vaudrait peut-être mieux me débrancher de l’Internet et retourner me coucher. Grosse journée en Bretagne, demain…

May 21st, 2010
Catégorie: Auditions, Commentaires, Événements, Réflexions Catégorie: Aucune

15 commentaires à propos de “Jour 6: Les vieux copains”

  1. Nadia Seraiocco a écrit:

    Mes sympathies, cher ami… C’est quand même une chance d’avoir eu une tante comme Michèle. xxx

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  2. Catherine Lesieur a écrit:

    Mes condoléances, Stanley… Les tantes, et les oncles sont des piliers du royaume de l’enfance. Quant quelqu’un part dans la «fratrie» de nos parents, c’est nos premiers repères qui disparaissent.

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  3. Françoise Vermotte a écrit:

    Je ne connaissais pas cette chanson de Léo. Superbe !!
    Une pensée pour toi.

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  4. Stanley Péan a écrit:

    @Nadia: Je ne le savais pas jadis. Il m’a fallu des années pour le comprendre. Et elle me manquera.

    @Catherine et Françoise: merci pour les condoléances et les bonnes pensées.

  5. Nadia Seraiocco a écrit:

    C’est comme ça… tu le raconteras à Laura et Philippe 🙂

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  6. Claude Giroux a écrit:

    Sympathies…

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  7. Nathalie Tassy a écrit:

    Mes sympathies Stanley…

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  8. Manon Julien a écrit:

    Mes sympathies…

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  9. Aazed Azed a écrit:

    …la vie est si fragile….
    Toutes mes sympathies!

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  10. Sylvie Perron a écrit:

    Touchant… mes sympathies.

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  11. Myreille Bédard a écrit:

    Mes plus chaleureuses sympathies Stanley.

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  12. Claudia Larochelle a écrit:

    Stanley… toujours les bons mots, la justesse… Avec toi de tout coeur. xx

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  13. Martine Rainville a écrit:

    Je me souviens, tu m’as parlé de cette tante “bonne vivante” ; mes sincères condoléances Stan

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  14. Steve a écrit:

    …la vie est si fragile….
    Toutes mes sympathies!

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  15. Hélène Basque a écrit:

    Que de beaux moments. Merci pour le partage.

    Je suis heureuse d’avoir partagé de beaux moments avec tante Michèle.

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