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Les carnets web de l'écrivain Stanley Péan

Jour 3: Collioure, au carrefour du Québec et de la Catalogne

La journée débute comme elle se terminera, avec une balade au pied des fortifications Vauban du Château royal, pour humer les effluves de la Méditerranée. À l’aube comme la nuit tombée, elle donne la vague impression de chuchoter dans son ancestrale langue maritime de secrets et confidences sur la solitude, le deuil et les amours à jamais perdus. « Je suis aussi la mer, pleine de raz-de-marées, imprévisible, inconstante et capricieuse, » m’écrivait il y a une éternité, avec une justesse insoupçonnée, une femme que j’ai en définitive trop aimée pour mon propre bien.

Le dimanche à Collioure, le marché public installe tentes et étals le long de l’allée qui mène au Château royal. « Un marché très sympathique, de m’assurer le Colliourenc d’adoption Donald Smith qui revient d’y faire quelques achats. Il faut t’y promener. » De toute manière, je n’aurai guère le choix pour accéder au chapiteau du Square , où se tiennent les animations présentées dans le cadre du festival Un livre à la mer aujourd’hui.

Axée encore une fois sur les parallèles et les divergences entre littératures catalane et québécoise, la première réunit autour du manitou Triquerre plus ou moins les mêmes protagonistes que la veille, à savoir Joan Daniel Bezsonoff, Joan Lluis Lluis, Joan Lluis Baudenas, Marie-Andrée Lamontagne et moi-même; cette fois-ci, pour varier le propos, notre modérateur nous invite à parler de nos œuvres respectives, exercice auquel tour à tour nous nous livrons chacun avec sa pudeur. Bien entendu, les thèmes récurrents de l’identité, de la langue et de la résistance sont évoqués par l’un et l’autre.

À la faveur du beau temps, nous nous retrouvons ensuite entre les deux chapiteaux de librairies officielles de l’événement, pour partager un couscous en poursuivant sur le mode intime nos échanges privés, pour acheter et faire dédicacer les livres de nos interlocuteurs. Smith a gentiment proposé à Marie-Andrée et à moi que sa femme Brigitte et lui nous emmènent faire un tour dans les montagnes qui surplombent le village, presque entièrement dédiée à la culture viticole. Jacques Parizeau y a son vignoble, dans la coopérative des Dominicains. Nous osons même y mettre les pieds, encouragés par les Smith qui connaissent bien « Monsieur ».

Quitte à manquer le dernier débat entre camusiens, et tant qu’à se balader dans les environs et évoquer le calme inspirant de ce décor propice au recueillement voire à la création, les Smith nous conduisent jusqu’à l’Ermitage millénaire de Notre-Dame de Consolation (le nom m’amuse un brin, inconsolable que je suis) où l’on peut louer à prix modique des chambres, dans ce lieu idéal pour l’écrivain en quête de solitude. Ce sera pour une prochaine fois, cependant; pour le moment, il faut plutôt redescendre vers la marina de Collioure, si on ne veut pas manquer les derniers débats du festival, qui doivent porter sur les femmes et la Méditerranée puis sur l’essor des beaux-arts dans ce village de prédilection des fauvistes.

Sans nouvelles de cette vieille connaissance qui avait parlé de passer me saluer à Collioure sur la route de son retour de Barcelone, j’en déduis que les vacances avec son copain à Barcelone sont infiniment plus excitantes pour elle qu’une escale dans un festival littéraire. Un auditeur brésilien de Quand le jazz est là qui partage sa vie entre la France et son pays natal avait lui aussi évoqué une éventuelle rencontre entre nous; au moins, lui aura eu la politesse de m’écrire pour s’excuser de ne pouvoir me retrouver ici ce week-end.

Assommé par le soleil (il a hélas souvent eu cet effet-là sur moi, surtout ces temps derniers), je me suis autorisé une petite sieste avant de retrouver la garde rapprochée de Triquerre pour un dernier repas en groupe. La plupart des auteurs invités ont repris le train vers Paris ou autre destination plus proche. Ne reste que la délégation québécoise formée de Marie-Andrée et moi, qui partageons avec l’équipe du festival un festin de viandes froides, légumes et fruit et buvons comme il se doit beaucoup trop de vin en essayant de refaire le monde. Tout y passe, du féminisme et de la féminisation de certains titres au rayonnement des littératures, selon qu’elles soient issues de communautés minoritaires ou majoritaires. Et puis, aussi, les indépendances de la Catalogne et du Québec, celle jamais advenue de la Martinique, et celle deux fois centenaires d’Haïti, dont le coût historique a constitué un frein majeur à l’épanouissement économique de la supposée Perle des Antilles.

La soirée, pour moi en tout cas, se terminera au bar des Templiers avec le pousse-café (un scotch single malt, en souvenir de) après lequel j’oserai prendre le chemin qui contourne le château pour mieux longer la crique où toujours chuchote la mer, dans cette langue que j’ai en définitive désapprise. À mon grand dam.

 

August 25th, 2013
Catégorie: Commentaires, Événements, Nouvelles, Réflexions Catégorie: Aucune

Un commentaire à propos de “Jour 3: Collioure, au carrefour du Québec et de la Catalogne”

  1. Daelin a écrit:

    Ça fait tellement beau. J’ai visité le sud de la France l’été passé avec mes parents pour la première fois. C’était vraiment un paradis. J’aimerais bien passer un peu de temps pour vivre au sud. Merci d’avoir partagé ce blogue.

    Daelin | http://www.demenagementprofessionnelplus.com/services.html

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