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Les carnets web de l'écrivain Stanley Péan

Jour 2: Camus et le Québec à Collioure sous la grisaille

En fin de matinée, le centre-ville de Collioure s’emplit de fumée et du parfum des sardines grillées sur braises. « C’est la sardinade, une tradition on ne peut plus catalane, » m’explique Christine Lavaill que j’ai retrouvée ici après des années. Son ex-conjoint Robert Triquerre, avec qui elle collabore toujours professionnellement, est le grand responsable de ma venue ici, dont on parlait depuis au moins trois ans. Christine, lui et moi nous connaissons depuis plus de vingt ans; à l’époque, leur boîte de distribution CEDILIV s’occupait des livres publiés par le CIDIHCA, dont mes premiers titres (La plage des songes, Sombres allées). Dans ces années-là, j’avais rencontrée feue Marie, qui allait être ma deuxième blonde à vie, Marie disparue tragiquement au début de janvier, que Robert aimait bien et dont lui et moi n’avons su taire le nom au cocktail de la veille, ne serait-ce que pour trinquer à son souvenir.

C’est samedi, les activités du festival Un livre à la mer ne reprennent pas avant 14h30, ce qui m’autorise à vagabonder de par les rues de ce superbe village, à traîner dans un resto un brin touristique où l’on peut déguster une paëlla honnête à défaut d’être géniale. Il y a la mer, non loin, présence un brin rassurante, malgré la grisaille qui règne. Qu’est-ce que le soleil me manque? À mon dernier passage en France, il y a tout juste un mois, il inondait encore ma vie de son éclat, de sa chaleur… Il est mort, le soleil, comme le veut une chanson des années 60. Un peu cabotin, je prends avec mon cellulaire un autoportrait avec en arrière-plan une boutique nommée Cactus et soleil, photo qui renvoie à une similaire prise devant la Brasserie du Soleil de Marseille il n’y a pas si longtemps. Héboboy, comme dirait l’autre…

Mes déambulations me ramèneront vite vers le petit chapiteau dressé sur le Square Caloni, au pied du Château royal, sous lequel sont attablés les panelistes d’un débat sur « Camus libertaire », nommément Jean-Pierre Barou, Lou Marin, Benjamin Stora et Arezki Metref. Animée par l’éditeur Daniel Guerrier, l’activité doit vite être relocalisée dans la grande salle du Centre culturel, à cause de la pluie. Là, les participants discutent avec une passion farouche des contradictions dans la pensée politique de Camus, dont l’anticolonialisme sincère ne déboucha jamais sur un soutien à l’indépendance algérienne. Avant la fin de la discussion, je fais l’acquisition du recueil de textes retrouvés de Camus rassemblés par l’Allemand Lou Marin, Écrits libertaires (1948-1960), paru aux éditions Indigène. Et je regrette un peu que ne soit pas encore disponible le Camus brûlant, dans lequel Stora raconte comment la volonté de récupération de l’héritage de Camus par le pouvoir de droite a mené à son éviction comme commissaire de l’exposition commémorant le centenaire de l’auteur de L’Étranger.

Le reste de la journée est plus ou moins consacré au Québec, d’abord avec cette table ronde intitulée « Québec-Catalogne : regards croisés » menée par Triquerre et réunissant, outre Marie-Andrée Lamontagne, Djemila Benhabib et moi, les Catalans Joan Lluis Luis et Joan Daniel Bezsonoff. Moins nombreux que pour les débats houleux sur Camus, le public est à tout le moins attentif et intrigué, pas uniquement par l’accent du Québec si exotique aux oreilles françaises. Suivra une soirée alliant un survol de l’Histoire littéraire canadienne-française et québécoise à laquelle prendra également part Donald Smith, ponctuée de lectures par Marie-Andrée et moi et de chansons de Félix interprétées par Loïc Robinot, puis la projection du film Monsieur Lazhar de Philippe Falardeau.

Ma foi, journée fort bien remplie…

 

August 25th, 2013
Catégorie: Commentaires, Événements, Nouvelles, Réflexions Catégorie: Aucune

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