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Les carnets web de l'écrivain Stanley Péan

Haïti 2015 (bis) – Pèlerinage chez Da et Vieux Os

Chez Da et Vieux Os 1

 

La rue Lamarre vue de chez Da     Notre guide chez Da     Fillettes de Petit Goâve

Il y a une dizaine d’années, alors qu’il officiait comme président d’honneur du Salon du livre de Québec, Dany Laferrière avait désigné Laura (âgée de cinq ou six ans) comme ministre de la culture de son gouvernement virtuel.

« Je ne peux pas, je suis trop jeune pour être ministre, » avait candidement répondu ma fille, à la grande surprise de l’ami Dany.

Deux ou trois jours plus tard, elle m’avait confié qu’elle regrettait d’avoir refusé l’offre de Dany et que s’il voulait bien lui réserver le poste pendant quelques années, elle se ferait un plaisir de siéger sur son conseil des ministres.

Levés de bonne heure (de grand matin, dirait-on ici), Laura et moi avons décidé d’aller visiter la maison de Da, feu la grand-mère de Dany immortalisée dans L’Odeur du café, son troisième roman, dont j’avais autrefois signé la recension critique dans les pages de Québec français. Sitôt notre petit déjeuner terminé, sitôt les salutations avec Gotson Pierre échangées, ma fille et moi remontons vers le centre-ville de Petit Goâve, à la recherche de la rue Lamarre.

Difficile de se perdre dans une aussi petite bourgade, certes, mais la quasi absence de panneaux de rue ne facilite pas notre quête. Par le plus heureux des hasards, nous croisons deux des jeunes qui assistaient au débat sur Jean Dominique la veille. En chemin vers la messe dominicale, les jeunes hommes m’offrent de faire un détour pour nous guider, Laura et moi, jusqu’à destination.

Rachetée il y a des lustres par le voisin d’en face (un ami d’enfance de Dany) qui en avait fait pendant un moment un commerce, la petite maison turquoise aux colonnes et aux volets oranger est tout à fait conforme à l’idée que je m’en étais faite à la lecture des romans de l’immortel.

Le propriétaire accepte volontiers de traverser la rue, de nous donner accès à la modeste habitation. Surtout, il nous fait le plaisir de partager avec nous quelques réminiscences de sa jeunesse avec le futur académicien, qui lisait Docteur Jivago à neuf ans, évoque un coup pendable de Dany et d’un autre ami prénommé Rico aux dépends d’un troisième lascar du nom de Jean. Du coup, je ne peux m’empêcher de lui raconter l’anecdote de la nomination de Laura au poste de ministre de la culture.

Au retour vers le Fort Royal, ma fille et moi nous voyons d’abord apostropher par trois fillettes qui veulent être prises en photo. Puis à proximité de l’hôtel, Laura suscite les commentaires grivois de quelques garçons affairés à remplir d’eau de grands seaux en plastique.

« E, tiblanch, ou gen bèl bounda wi! » lance le plus jeune d’entre eux, un gamin de neuf ans maximum.

Je rigole. Perplexe, Laura me demande qu’est-ce qu’il a dit de si drôle. Je traduis pour elle : « Hé, petite blanche, tu as un beau cul, tu sais! » Je ris, mais je viens de prendre un coup de vieux : ma fille est désormais en âge de se faire siffler par les garçons dans la rue.

Et comme nous sommes à Petit Goâve, je ne peux m’empêcher de penser que si Laura et moi étions passés dans une de ces distorsions spatio-temporelles si courantes dans les émissions de science-fiction dont elle et moi raffolons, peut-être l’un de ses gamins s’appellerait Windsor Klébert Laferrière

July 18th, 2015
Catégorie: Événements, Nouvelles, Réflexions Catégorie: Aucune

Un commentaire à propos de “Haïti 2015 (bis) – Pèlerinage chez Da et Vieux Os”

  1. Verly Dabel a écrit:

    Sacré Stanley! Décidément, tu ne laisses rien passer, même pas ce commentaire grivois – moi, je dirais déplacé – sur Laura. Vraiment, dans ce pays où l’on chante, rit et danse quoi qu’il arrive, la littérature a bien de quoi se nourrir…

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