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Les carnets web de l'écrivain Stanley Péan

De la musique avant toute chose

À l’heure de l’apéro, je suis allé avec David Homel à la sympathique librairie Le Port de Tête de l’avenue Mont-Royal pour le lancement du plus récent numéro de Moebius, et j’en suis reparti en compagnie d’André Lemelin à qui j’avais donné rendez-vous là pour un souper entre vieux chums. Entre l’arrivée et le départ, j’ai quand même pris la peine de saluer les éditeurs de la revue, les collaborateurs et collaboratrices ainsi que Philippe Gervais, le responsable de ce numéro 117 auquel j’avais accepté de contribuer avec une nouvelle, alléché par le thème: «la musique!» Intitulée «Neume quitte pas» (calembour, quand tu nous tiens!), cette chronique d’un amour fâné prolonge la série de textes poétiques et textes de chansons que j’ai baptisé«le cycle impérial» en référence à la muse qui  me les a inspirés.

Je n’ai évidemment pas encore eu le temps de lire les textes des collègues que je côtoie en ces pages. J’ai cependant lu celui du docte Gilles Marcotte, recommandé avec enthousiasme par Daniel Turp qui assistait au lancement. L’éminence grise de la critique signe un bref essai intitulé «Le chant du monde», où il partage ses impressions de mélomane épris de musique classique, comme il le faisait autrefois dans les pages de Liberté. Les passages inspirés sur un Concerto de violon de Schumann ne sont pas sans intérêt; fidèle à son habitude de pontife ronflant, Marcotte se laisse cependant aller à ce verbiage élitiste, supposément érudit mais surtout méprisant sur la chanson (qu’il confond délibérément avec la chansonnette) et prend comme caution intellectuelle un Gainsbourg aviné pour nous resservir le vieil argument de l’art mineur et indigne de comparaison avec la «grande musique», au même titre que le jazz par ailleurs — à l’exception de l’oeuvre d’Ellington, évidemment, que les détracteurs de la note bleue affectent invariablement d’apprécier pour projeter une image d’ouverture. Ainsi, Brassens, Plume et Vigneault, avance-t-il sur ce ton pédant si caractéristique, ce n’est pas de la musique, c’est inférieur à la musique, c’est même contraire à la musique. Et patati et patata, on connaît la chanson.

Soit. Tous les goûts sont dans la nature. Et la mauvaise foi aussi. Cette même mauvaise foi qui faisait jadis écrire à ce vieux bonze dans les pages de L’Actualité que Les enfants du sabbat n’était pas un roman fantastique, ce n’était pas à classer au même rayon que Rosemary’s Baby (un classique absolu dont je soupçonne Marcotte de n’avoir même jamais lu la quatrième de couverture!), c’était après tout signé Anne Hébert, c’était donc de la Littérature et donc quelque chose de tout à fait contraire au fantastique.

Misère. Je me console tout de même à l’idée réjouissante qu’un jour, dans des décennies, voire des siècles, les oeuvres des «petits maîtres» d’un art prétendu mineur comme la chanson, les Brel, Ferré, Brassens, Vigneault, Murat, Lelièvre, etc. trouveront encore preneur… alors que ne subsistera aucun souvenir des écrits empesés de pédanterie d’un Gilles Marcotte. Je me plais croire qu’il puisse exister dans la marche inexorable de l’Histoire de l’art et des civilisations une pareille justice.

May 22nd, 2008
Catégorie: Commentaires, Lectures, Réflexions Catégorie: Aucune

Un commentaire à propos de “De la musique avant toute chose”

  1. mr-bark a écrit:

    coucou, article très intéresant 🙂 je me demandais ce que tu voulias indiquer dans cette précision,: avenue mont-royal pour le lancement du plus recent numero de moebius … A+

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