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Les carnets web de l'écrivain Stanley Péan

Bonjour et au revoir, Sept-Îles

 Autoportrait dans la lumière de Sept-Îles

Seul dans la pénombre et le bruit de la succursale de la Cage aux Sports rue Arnaud qui avait pour unique mérite sa proximité de mon hôtel, j’ai mangé sans plaisir une assiette «terre et mer» (steak tiède et insipide, brochette de crevettes trop cuites). Pour la gastronomie, on repassera… Encore que je n’ai que moi à blâme, j’aurais pu marcher un peu plus loin, vers une meilleure table, car il y en a tout de même quelques unes mais la fatigue et la température frisquette m’ont rendu paresseux, surtout après ma marche au grand air marin sur la promenade réaménagée. Dans la lumière dorée du soleil couchant, déformation d’incorrigible nostalgique, j’ai pensé à Noces de Camus: «Étreindre un corps de femme, c’est aussi retenir contre soi cette joie étrange qui descend du ciel vers la mer.»

Mais il n’y a personne avec moi à étreindre et, mon assiette avalée plus que savourée, me revoilà dans ma chambre, au terme d’un week-end à Sept-Îles consacré à cet atelier de formation et d’information que j’animais pour une poignée d’écrivaines et d’écrivains professionnels ou en voie de le devenir, installés sur la Côte-Nord. Cette journée et demie passée à discuter avec elles et eux des «méandres du milieu de l’édition», pour reprendre le titre de la table ronde à laquelle je participais très précisément dimanche passé à Québec, comptera pour l’une de mes dernières sorties officielles en tant que président de l’UNEQ. Mon troisième et ultime mandat à la tête de notre association tire en effet à sa fin — le 4 décembre prochain, très officiellement, six ans jour pour jour après que j’aie succédé à mon regretté ami Bruno Roy. J’ose espérer que mon discours, que  j’ai voulu lucide et sans fard, leur sera utile dans leur poursuite de cette aventure qu’elles et ils ont choisie: celle de la création littéraire. En tout cas, je me suis efforcé d’éclairer leur lanterne du mieux que je le pouvais et de leur faire partager ce que j’ai appris de ce milieu en une vingtaine d’années de carrière.

Cela dit, il y avait un peu plus de dix ans que je n’avais pas mis les pieds à Sept-Îles mais les rues de cette ville nord-côtière, où mon frère Gérald a été policier dans les années 70, ont surtout ravivé en moi souvenir de mes deux visites au Salon du livre, celui des collègues que j’ai côtoyés, avec qui j’ai festoyés en 1995 et en 2000: François Pratte que j’ai littéralement perdu de vue au fil des quinze dernières années; Marie Laberge qui savait arroser nos fins de soirées en groupe restreint de scotch single malt; Dany Laferrière et Claude Jasmin, qui rivalisaient de volubilité lors d’un souper chez le chef innu qui nous avait reçus; et feu Raymond Plante, en papa gâteau, protecteur de sa ravissante Emmanuelle qui travaillait à l’époque ici simultanément à la Première Chaîne de Radio-Canada et à TéléQuébec. J’ai aussi, inévitablement, une pensée pour Patsy, que j’avais retrouvée dans cette ville où elle vivait depuis une dizaine d’années avec son conjoint de l’époque, lui-même un de mes confrères de classe de Jonquière. C’est qu’il en a coulé de l’eau, tout de même, dans la baie de Sept-Îles depuis… Et rien de cela ne me rajeunit, calvaire!

J’ai une petite soirée et une petite nuit devant moi, que je passerai à regarder un DVD glissé dans mon sac au départ de Montréal; mon avion s’envole demain matin à l’aube, je ne crois pas veiller tard mais juste m’endormir au son des soupirs de la mer, qui roule et déroule ses vagues contre la rocaille à quelques mètres du balcon de ma chambre.

October 24th, 2010
Catégorie: Commentaires, Réflexions Catégorie: Aucune

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