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Les carnets web de l'écrivain Stanley Péan

Péan au Népal, Jour 0,5 — Réminiscences de Barjavel et considérations humanistes

Les-chemins-de-Katmandou

En vol quelque part entre Londres et Doha, trop crevé pour arriver à suivre les péripéties de George Clooney et de sa bande d’escrocs dans le remake d’Ocean’s Eleven et pourtant incapable de m’endormir, j’entreprends la rédaction de ce billet et je me lance le défi de le mettre en ligne durant notre escale au Qatar, avant de monter à bord du troisième et dernier avion qui nous mènera à notre destination finale.

Au cours des dernières semaines, j’ai voulu revoir le film Les Chemins de Katmandou (1969) d’André Cayatte ou, au moins, de mettre la main mon exemplaire du roman que René Barjavel avait tiré de son propre scénario dans la foulée de la sortie du film. Hélas, je n’ai pas réussi à trouver ce film sur les plateformes de téléchargement que je fréquente et j’ai vite renoncé à localiser le bouquin dans le capharnaüm de ma bibliothèque personnelle. Sur le web, j’ai tout de même trouvé cet après-midi un blogue où il était question de ce livre; et sur ce blogue, cet extrait tout à fait de circonstance :

Ceux qui se rendront à Katmandou ne reconnaîtront pas ce qui est écrit dans ce livre.

Ceux qui suivront les chemins qui y mènent ne reconnaîtront pas les chemins de ce livre.

Chacun suit son chemin, qui n’est pareil à aucun autre, et personne n’aboutit au même lieu, dans la vie ni dans la mort.

Ce livre ne cherche pas à donner une idée de la réalité, mais à s’approcher de la vérité.

La lecture dudit blogue m’a quelque peu rafraîchi la mémoire sur l’intrigue du bouquin de Barjavel, lecture d’adolescence. Je me suis remémoré la rencontre entre Jane, cette jeune hippie en quête de transcendance, et Olivier, gauchiste et idéaliste malgré l’essoufflement du Mouvement de Mai 68. Le jeune homme recherchait son père immigré au Népal dans l’espoir d’y faire fortune. Entretemps, il a croisé Jane aux pieds de l’Himalaya, le temps d’une nuit ponctuée d’étreintes passionnées. Quand plus tard ils se retrouvent, Olivier se donne pour mission de sauver la jeune femme en deuil de lumière qui a sombré dans l’héroïnomanie.

On connaît par ailleurs la nature du fantasme qu’entretient l’Occident sur le royaume du Népal, terre promise et prometteuse, et sur Katmandou, cité mystique et mystérieuse que Barjavel qualifiait volontiers de « ville la plus sainte du monde, où toutes les religions de l’Asie se côtoyaient et se confondaient », d’« endroit du monde où le visage de Dieu est le plus près de la Terre ».

Pourquoi Katmandou? Pourquoi le Népal? Mais que vas-tu faire dans cette galère? m’ont en essence demandé ces temps derniers des proches qui savent mon peu d’attrait pour le mysticisme, mais qui manifestement sous-estime mon goût du dépaysement et de l’aventure.

Adolescent, j’ai aussi fréquenté les œuvres de Pierre Loti, de Blaise Cendrars, d’André Malraux et de Graham Greene, bien représentées dans la bibliothèque riche et diversifiée de Mèt Mo mon père. Je me suis aussi laissé entraîner vers toutes sortes de destinations exotiques par Henri Vernes et son intrépide héros Bob Morane. Alors, la curiosité et l’intérêt pour l’Ailleurs y sont certes pour beaucoup dans ma décision d’accepter l’invitation du CECI. En même temps, je n’ai pas acquiescé à ce projet pour aller faire du tourisme humanitaire, pour reprendre ce concept décrié dans les pages de La Presse il n’y a pas si longtemps. En janvier 2006, à titre d’écrivain et de président de l’UNEQ, j’ai prononcé une conférence à l’Université de New Dehli dans le cadre du tout premier colloque sur la littérature québécoise tenu en Inde. Dix ans presque jour pour jour après cette précédente excursion en Extrême-Orient, à tout juste quelques semaines de mon cinquantième anniversaire, je reviens dans cette partie du monde, à la rencontre de l’Autre, guidé par un esprit fraternel certes, mais sans la moindre tentation mystique.

Après avoir signé récemment mon texte de chanson le plus sombre de toute ma (relaivement) brève carrière de parolier (« No One Will Be Saved »), il semble évident que je ne cherche pas ni salut ni transcendance. Mais je suis, comme je l’ai toujours été, ouvert à l’échange et au dialogue entre les humains et les diverses cultures dont ils sont les porteurs. En dehors de cette dynamique, le vivre-ensemble n’est qu’une vague utopie.

Ma foi, je me fais bien philosophe pour un type qui arrivera bientôt, après deux jours de voyagement, à l’autre bout du monde, littéralement.

Je ferais peut-être mieux d’éteindre la tablette et de me lover de force au creux des bras de Morphée…

P.S. : Relevé le défi, gagné le pari. J’ai réussi à mettre en ligne ce billet, au cours de la brève escale à Doha.

February 24th, 2016
Catégorie: Événements, Lectures, Nouvelles Catégorie: Aucune

Un commentaire à propos de “Péan au Népal, Jour 0,5 — Réminiscences de Barjavel et considérations humanistes”

  1. claude duhamel a écrit:

    Bravo pour ce superbe billet mis en ligne le temps d’une escale !!! Bon voyage Stan !!!

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